Tu enlevas tes chaussures en murmurant un « tadaima ». Tu parcourras le couloir et le salon d'un pas rapide, ouvris la porte de ta chambre, la refermas derrière toi après y être rentrée et tournas la clé dans la serrure. Tu posas ton sac scolaire bleu à côté de ton bureau et tombas sur ton lit, soupirant. Tu réfléchissais. Et pas que maintenant, tu étais dans ton monde depuis au moins quatre jours. Si ce n'est plus.
Ça t'énervait.
Ça te frustrait.
Ça te faisait de la peine.
Ça t'intriguait.
Ça te dégoûtait.
Ça te faisait mal.
Mais ça te faisait plaisir en quelque sorte aussi.
C'était spécial. Ça faisait un peu plus d'une semaine que tu étais rentrée du parc d'attractions, totalement épuisée et presque sans argent. Une semaine et deux jours, pour être précis. Le premier soir, tu n'étais qu'énervée, mais tu n'avais rien dit à ta tuteur. Le matin suivant, tu repensais à l'inconnu, mais pas beaucoup. Mais avec chaque jour le temps d'y penser augmentait et au jour d'aujourd'hui, tu ne pus même pas te concentrer sur le cours. Les profs étaient d'ailleurs choqués en voyant que tu ne notais rien et doutait même d'une nonchalance de ta part. Mais ils te connaissaient, ils savaient que quelque chose a dû se passer.
Tu te souvenais à peine de sa voix, de son odeur, mais tu te rappelais de chaque geste et de toute son apparence. Tu voulais tout revoir, sentir, entendre encore une fois. C'était en quelque sorte impossible. Déjà avant-hier tu parcourais tout le lycée en recherche de ce personnage flippant. Tu prétendais faire juste un simple tour de l'établissement pour vérifier si tout le monde est en ordre, mais en vérité tu ne t'arrêtais pas. Tu ne vis pas la mèche miel ni ces yeux brillants qui te faisaient si peur.
Mais d'abord, pourquoi ça te manquait ? Car oui, c'était ça. Il te manquait clairement. La question était de savoir pourquoi. Pourquoi un type comme lui te manquerait. Tu fermas tes yeux, soupirant.
On dirait une situation d'un shoujo manga... – pensas-tu. Pas que tu lisais énormément de mangas, tu n'en vis que quelques uns, mais tu connaissais les stéréotypes à ce sujet. Tu revis la scène dans le wagon qui t'accéléra le cœur, de nouveau. Tu rougis, sans t'en rendre compte. Tu attrapas un coussin et cachas ton visage avec.
L'idée d'être tombée amoureuse ne t'effleura pas l'esprit jusque là. Tu ne prenais pas cette option en compte. C'était, tout simplement, impossible. Toi, amoureuse ? Avant, ça te faisait rire. Mais ça, c'était avant. Là, tu ne n'avais plus envie de rire du tout. Tu commençais à redevenir sérieuse. Tu réfléchissais calmement. Prenant en compte ce que tu ressentais et le moment où cela a commencé – qui s'accordait parfaitement avec la rencontre de l'inconnu au parc d'attractions –, cela pouvait bien être... Non !
Tu entendis ta tuteur toquer à la porte. S'inquiétait-elle ? Il était vrai que tu étais bizarre depuis quelques jours. Beaucoup même. Et tu t'enfermais dans ta chambre, aujourd'hui, sans venir la voir. Oui, c'était suspect. Soit tu as été menacée, soit tu prenais des trucs pas nets, soit tu fuguais, soit tu partais en dépression soit...
- Je vais bien, Izumi. Je vais bien, merci. Je peux avoir un thé ? – demandas-tu d'un ton le plus calme qui était possible, à ce moment.
Tu refusais de tomber amoureuse de lui. C'était tout simplement impossible, c'est tout. Et puis de lui, un inconnu potentiellement dangereux... Juste non, non et non ! Tu enlevais le coussin de ton visage et cherchai un livre entre les bouquins sur ton étagère. Tu en sortis un, que tu n'as lu que deux fois mais dont tu te rappelais assez bien pour savoir qu'il t'aiderait. C'était de la fiction, certes – tu passais la page vingt-sept –, mais la fiction se base sur la réalité – page quarante-deux – et surtout ces livres-là. Tu arrivais à la page soixante-dix-neuf et relus les lignes de quatre à huit. Tu devins pâle.
Tu avalas ta salive, tu inspiras longuement, tu expiras par la bouche, entrouvrant tes lèvres couvertes de gloss. Tu clignas des yeux, tes cils noirs et longs touchant ta peau presque blanche. Tu lis encore et encore les mêmes lignes, comme passionnée par ce livre, mais en réalité, tu n'y croyais simplement pas. Tu tournas ton regard sur le côté avant de rechercher ton portable dans le sac scolaire. Tu le pris dans tes mains qui tremblaient légèrement. Tu choisis dans tes contacts la personne à qui tu faisais grandement confiance. Izumi. La
fée. Pourquoi tu lui écrivais ? Tu n'en savais rien. Tu voulais juste le dire à quelqu'un. À quelqu'un qui te comprendrait peut-être. Ou peut-être pas. Mais à quelqu'un à qui tu fais confiance, que tu appelles « amie » même si elle n'en est pas forcément une. Tu te mordis la lèvre. Tu tapais lentement sur le clavier de l'appareil.
« Je suis tombée amoureuse. Je vais faire de mon mieux. » Tu l'envoyas et rangeas ton portable, ainsi que le livre. Tu reprenais ton rythme de respiration normal, tu te levais et tu ouvris la porte, souriant à ta tuteur.
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