◤ Naissance ▬ “
L'ange pâle Premier Décembre, une p'tite ville paumée.
T'es né. Tu cris, tu chiales comme pas possible, t'as froid, mais voilà : t'es né. Entouré par le personnel du seul hôpital des alentours et de tes parents, l'essentiel est là. Ton père a encore du mal à se calmer, il avait peur,
tellement peur, que ça se passe mal. Ta mère de son côté reprend son souffle : elle est exténuée. C'était pas de tout repos faut dire, puis t'as bien choisit ton heure en plus. Mais doucement, le calme retombe pour laisser place au repos amplement mérité.
Il est quatre heures du matin, dehors il neige, et dans cette petite chambre où le silence redevient maître tu es né.
◤ Enfance ▬ À la longue, je suis devenu bien morose :
Premier Novembre, un p'tit village.
Tu as six ans, bientôt sept. Petit garçon aux grands yeux curieux qui s'intéresse à tout, tu es la fierté de tes parents. Le village n'est pas bien grand aussi te laissent-ils te balader et jouer un peu partout du moment que tu ne franchis pas les limites qui te sont données. La plupart des habitants sont des personnes âgées avec lesquelles il est bien difficile de jouer. Parfois leurs enfants viennent avec leur propre progéniture, ça te fait des camarades de jeux pour un après-midi, ce n'est pas si mal.
Mais aujourd'hui il n'y a personne. Tes parents sont allés travailler en ville alors la voisine te
garde. Ou plutôt elle jette de furtifs coups d'oeil sur ta personne avant de retourner vaquer à ses occupations. Tant pis. Tu t'allonges sur le dos dans l'herbe pour jouer avec deux répliques d'avions, imaginant milles péripéties palpitantes pour leurs aviateurs et ce jusqu'à ce qu'un miaulement te stoppe dans ton jeu. Voilà qui pique ta curiosité. Personne n'a de chats ici, il y a bien la maison d'en face qui a un chien mais il fait trop peur pour que tu daignes t'en approcher. Délaissant tes jouets, tu te lèves et époussettes ta salopette avant de remettre tant bien que mal les bretelles. Ceci fait il te faut jeter un regard rapide à la fenêtre histoire de t'assurer que la voisine ne regarde pas. Tu sens que ce n'est pas bien d'aller voir ce qui se passe, sans trop savoir pourquoi. La voie s'avérant cependant libre tu fonces vers les buissons pour découvrir avec émerveillement un de ces petits félins seulement vus aux travers de livres imagés et d'animés. Il est tout petit, avec de longs poils beiges et un regard bleu que tu admires pendant une longue minute sans vraiment faire attention au si petit bruit des gouttes rouges qui tombent de son ventre.
Lui aussi a eu peur du chien du voisin. Mais lui il n'a pas eu la chance de s'en sortir.
La voilà la triste conclusion que tu tires en voyant le chat se faire tirer de l'autre côté des buissons. Il miaule de façon stridente en tentant vainement de se débattre pendant que la mâchoire du chien se resserre un peu plus sur son si petit corps. Toi aussi tu as voulu crier, comme si ça allait changer quelque chose. Toi aussi tu as voulu tirer le chat, mais il t'a griffé. Le bruit a alerté tout le voisinage qui a découvert ce spectacle horrifié. Même pas une heure plus tard, tout le monde était prié de rester chez eux. Le chien avait été emmené se faire piquer et toi qu'on interrogeait, toi qu'on plaignait, tu ne parlais plus. Serrant la peluche que tes parents t'avaient ramené ce soir là pour s'excuser de ne pas avoir été présents tu tentais de pleurer, d'être bruyant, mais ta voix se coupait de façon douloureuse.
Deux ans plus tard tu étais diagnostiqué dysphonique. Si la maladie est dite bénigne, il s'avéra que le facteur n'était pas seulement psychologique. Le larynx étant plutôt dur à examiner chez l'enfant, tu subits une opération pour qu'ils découvrent un kyste épidermique dans l'épaisseur d'une corde vocale. Ils n'avaient pas sut comme si prendre ce qui te donna une vilaine cicatrice dans le cou. Une cicatrice qui attirait les yeux compatissants quand tu te déplaçais dans l’hôpital. Et toi ça te faisait pleurer. Jusqu'à ce que l'équipe assignée à ton opération te comparent à la peluche que tu avais eu le soir du drame. Ta vieille amie, ta jolie hermine. Sa tête s'était mainte fois enlevée à cause de l'emprise forte de ta main sur son cou quand tu cauchemardais, et comme Maman n'avait pas de fils blanc la dernière fois que c'était arrivé, l'hermine avait son cou joliment entouré par du fil rouge.
Du même rouge que tu leur demandas de mettre pour cacher ta cicatrice entre deux pleurs.
◤ Adolescence ▬ Mon rêve s'est éteint, mon rire s'est usé.
Premier Octobre, Mekakucity.
La ville n'est pas aussi amusante qu'elle ose le paraître. Vous avez emménagé depuis voilà un mois que tu t'y ennuies déjà, avec pour seule consolation que tes parents rentreront désormais plus tôt et que tu n'auras plus à te farcir une heure de trajet pour aller faire des checks-up à l'hôpital. C'est déjà pas mal.
Enfin. Tu as treize ans maintenant et tu n'es pas scolarisé. T'as raté la rentrée au printemps et de toute façon ça t'énervait plus qu'autre chose de t'exprimer par le biais de gestes,
parce que de surcroît tu n'avais pas souhaité apprendre le langage des signes, ou de devoir carrément tout écrire sur une ardoise. De plus il y avait la pitié. Ceux qui s'approchaient de toi avaient pitié. En aucun cas il pouvait s'agir de compassion. Tes parents, eux, agissaient par remords uniquement. Du moment que tu pouvais faire ce que tu voulais en quoi pouvais-tu regretter ce style de vie ? Scolarisé donc à domicile, tu passais tes journées à étudier le strict minimum. Aujourd'hui ne fit pas exception. Tes devoirs faits, ton appétit rassasié par des nouilles instantanées, tu te mis sagement à coudre dans le salon. Au départ tu avais voulu apprendre seulement pour ton hermine, mais la vieille dame qui t'avait apprit trouvait que c'était du gâchis qu'un garçon avec des doigts aussi fins ne sache pas coudre des vêtements. Ça t'occupait, ça t'évitait de sortir acheter des vêtements et surtout ça t'évitait de te faire orienter par les vendeurs vers le rayon des filles. Certes ça faisait un moment que tu ne te coupais plus les cheveux.. Mais tout de même, ils t’agacent à se tromper.
Même si, soyons francs, parfois tu faisais
un peu exprès d'accentuer ton manque de virilité.
Tu en es réduis à ça Mayuko. Au fil des années qui avaient suivit le diagnostique tu t'étais retrouvé choyé à ne plus savoir quoi faire. Tes parents n'attendaient pas de toi un brillant avenir, ils ne te voyaient même plus grandir. Ils te noyaient dans des preuves d'affections qui t'ennuyaient
lourdement. Comment pouvais-tu être si las ? Alors que tu étais si joueur ? Quelque chose n'allait pas. Et toi qui devenait si las, tes parents ne le supportait pas. Aussi allas-tu au cirque le soir-même dans une tentative de combler ton vide par des étoiles pleins les yeux.
Première représentation en ville, du moins à côté, toi perdu dans la foule à te tortiller sur ton siège pour mieux voir le spectacle. Le chapiteau était coloré à l'extérieur, joliment décoré à l'intérieur. Le spectacle, la musique, l'odeur des fauves, les applaudissements à chaque fin de numéro, toutes ces choses occupaient tes sens pour deux heures. Puis au milieu de ces spectateurs enfants ou de grands enfants, tu te sentais à l'aise. Vous vous émerveillez ensembles, avaient la respiration coupée au même moment, que des choses qui ne nécessitaient pas la voix.
Jusqu'au numéro final : celui des clowns.
Allant jusqu'à refuser de regarder les nouveaux venus sur la piste, tu attendis patiemment que les gens cessent de rire, ce qu'ils fient après ce qui te sembla une éternité mais qui ne s'avéra être que deux minutes. Pourtant personne n'applaudissait ni même ne partait. N'était-ce donc pas terminé ? Content, curieux, tu redressas la tête pour découvrir avec enchantement un numéro de funambules, d'acrobates, de contorsionnistes et de voltigeurs organisés par les clowns. Eux qui faisaient habituellement rire par un comique de gestes utilisaient à présent leur corps pour parler.
Tu n'avais jamais autant envié quelqu'un jusqu'à ce jour. ◤ Évanescence ▬ Amour et Gloire ont fui comme un parfum de rose ;
Quinze Août, Mekakucity.
Tu guettes depuis voilà bien une heure l'arrivée de ton
ami. Une des clowns du cirque à qui tu avais, par miracle, réussit à bredouiller quelques mots. S'en était suivit des gestes et des regards pour que tu n'aies pas trop à parler. Elle est gentille comme tout cette demoiselle et même si vous ne vous envoyez que rarement des mails, tudois avouer éprouver une certaine sympathie envers elle. Avant qu'elle ne débarque tu remets en place tes mèches blanches dans la vitre d'une voiture. En un an, ton corps en a subit des changements. Décolorés blond, puis platine puis blanc tes cheveux n'ont pas l'air aussi soyeux qu'avant et les mèches de devant sont tenues plus ou moins par des barrettes. Tu t'es aussi amusé à mettre des lentilles rouges et à parer tes bras et ton visage de coutures rouges à l'image de celle de ton cou. Ton style vestimentaire est grotesque : vêtements trop grands, motifs en tout genre assemblés ( e
t si c'est normal au Japon, c'est un désastre visuel d'un point de vue européen ), sans oublier les pantoufles que tu ne quittes plus. En bref, tu ressembles à un clown. Tu
lui ressembles.
D'ailleurs quelle heure est-il ? Tu dégaines ton téléphone et constate qu'il est presque vingt-deux heures. .. Ne vient-elle pas d'oublier votre rendez-vous ? Tu joues nerveusement avec la couture de ta lèvre. Ton coeur s'est emballé sur cette simple supposition et ne se calmera que quand la demoiselle décidera de pointer le bout de son nez après une course vers toi. Elle est rouge, elle s'excuse, tu ne dis rien. La belle s'inquiète, te fait des grimaces, se met à attraper tes mains mais tu gardes le silence. Tu avais peur d'être seul, toi qui l'est toujours. Alors elle s'excuse à nouveau, baisse la tête, réfléchit.. Puis sourit avant de t'entraîner vers un pâté de maison non loin de la sortie de la ville où le cirque s'était produit.
▬ Cette maison ! Elle va être rasée. Elle est assez vieille et.. Je voulais prendre des photos en référence pour un décor.
Elle ne quitte pas son sourire, toi tu rougis. Ou c'est la froid de la nuit qui te mord les pommettes,
mais nous sommes en Août. Maintenant la demoiselle trépigne, elle t'a amené ici mais n'ose pas t'en demander plus. Soupirant avec le sourire aux lèvres tu ouvres la marche sans te soucier d'un quelconque danger. Vos pas font craquer le plancher, la poussière te fait tousser, et l'émerveillement de ton amie se convertit en un bruit rythmé de prises de clichés.
Quelque chose ne va pas pourtant.
Tu es inquiet sans trop savoir pourquoi ce qui te fait rester en retrait jusqu'à ce qu'elle s'attarde sur une cheminée joliment ornée.
▬ Une cheminée transparente serait amusante à faire..
Elle réfléchit, te tend l'appareil puis saisit de quoi ramoner son nouveau centre d'intérêt. Elle recule cependant surprise. La cheminée a l'air d'être fréquemment utilisée. C'est quand la porte grince et que des gémissements plaintifs se font entendre que vous comprenez. Ce qui te chiffonnait n'était-ce pas la lumière qui vous permettait de si bien voir alors qu'il n'y a plus d’électricité et que dehors il fait nuit noire ? Vous échangez un regard paniqué avant qu'elle ne s'engouffre dans la cheminée. Quelle cachette. Mais toi, sous l'émotion, tu la suis. Les personnes qui sont entrées s'avèrent peu fréquentables et tu as peur d'être trouvé. Elle aussi. Tu tentes tant bien que mal de tenir, de monter, mais l'exercice est trop physique. Tu ne vois rien de plus, mais tu sais que ton amie grimpe. Qu'elle va réussir à sortir elle. La jalousie vient se mêler à la peur alors que les squatteurs allument un feu.
Elle était si près des étoiles quand tu l'as attrapé par le pied. Elle avait une voix si douce, même quand elle s'étouffait à cause de la fumée. Elle était si souple, que tu sentais vos corps s'emboîter dans une étreinte finale pour se bloquer dans la cheminée. Toi ? Tu pleurais comme tu pouvais, t'étouffant dans tes pleurs, inhalant la fumée, laissant ce corps que tu maltraitais tant se parer de flammes.
•••
Ce matin en te réveillait tu as eu peur, tellement peur. Ce qui t'avait semblé si réel, cette agonie longue et douloureuse, ne s'avérait être qu'un cauchemar. Il était désormais presque vingt-deux heures et tu attendais ton amie. Tu n'étais même pas inquiété de son retard, du moins pas longtemps. Quand l'idée même de s'en faire t'avait frôlé l'esprit, tu lui avais en vain cherché des excuses.
Sait-on jamais que ce rêve ne soit une prémonition. Et pourtant, tout se déroulait comme dans cet horrible rêve.
Elle avait couru jusqu'à toi, vous étiez allé à la maison, elle avait prit des photos, la porte avait grincé, de panique vous vous étiez réfugiés dans la cheminée.. Et de nouveau vous vous retrouviez consumés.
Quel étrange cauchemar avouas-tu en fermant pour la dernière fois tes yeux.
•••
Fou. Tu devenais fou. Combien de fois t'étais-tu retrouvé dans cette cheminée ? Vous étiez sur le point d'y entrer pour la énième fois que tu lui attrapas le bras et la tiras vers toi pour lui offrir une chaleureuse étreinte suivit d'une caresse sur les cheveux. Pourquoi s'obstiner à fuir par là ? Allais-tu te réveiller si tu changeais le déroulement ? Les squatteurs qui entrèrent dans la pièce te firent savoir que non. L'agonie fut cependant moins longue et ça te fit sourire. Leurs coups étaient plus doux à ce que tu avais pu subir dans d'autres
rêves.
•••
Aujourd'hui encore est le Quinze Août et tu continues de rejoindre ton amie te demandant incessamment si la demoiselle a conscience de ce qu'il se passe. Ou alors s'amuse-t-elle de toutes ces fins qui ne sont jamais la même ? La douleur n'est pas appréciable mais maintenant que tu as comprit les règles du jeu ta curiosité en est presque devenue maladive et ton intérêt pour ce phénomène est pour le moins étrange.. Mais aujourd'hui encore tu vas mourir avec elle. Jouer les héros n'est pas de ton ressort.
Tu es un clown n'est-ce pas ? Alors amuse la avant que vous arriviez à la maison.
•••
Cette fois, tu es las. Tout ceci a perdu de son intérêt. Il est vingt-deux heures et tu as passé ta journée normalement à réfléchir à ce que tu pouvais bien faire pour changer de fin. Tu as déjà essayé de ne pas aller au rendez-vous mais tu t'es fait renverser avec elle en rentrant chez toi. Tu pourrais tenter, dès le matin, de te cloîtrer chez toi. Simplement. Mais n'est-ce pas trop simple pour ce jeu ? Si ta vie est un jeu, ne mérite-t-elle pas un peu plus d'efforts ?
C'est le dernier soir où tu ne tenteras rien de grandiose. La fin du show a sonné.
•••
Pour la dernière représentation tu as tout prévu. Cette fois-ci quand ils sont rentrés, tu as mit au sol avec un bon coup ta chère amie, histoire de leur laisser de quoi se distraire. Suite à cela, tu t'es réfugié dans le jardin par un des chemins que tu as prit.. Il y a de ça quelques rêves plus tôt. Envoyant un sms alarmant à ta mère avec ta position, tu sais qu'elle va alerter la police. Ceci fait ton plan est presque parfait, il ne manque plus qu'à te cacher et à boire un petit élixir sur lequel tu as passé la journée à travailler en ce qui concerne le dosage. Tu avalas donc avidement de quoi te faire dormir et passé pour drogué à ton insu sous la mélodie des cris de cette demoiselle que tu avais pensé aimer.
Grotesque n'est-ce pas ?
◤ Renaissance et Créance ▬ Rien ne fascine plus mon cœur désabusé. ”
Premier Juillet, Mekakucity.
Te voilà âgé de dix-neuf ans. Tu as reprit une scolarité plus ou moins normale depuis que tu as ramené tes fesses au lycée pour passer le dernier examen. Sans grandes attentes mais avec l'envie de voir à quoi ressemblait la vie d'un étudiant, tu t'étais mis dans la tête que tu devais aller à l'Université. Avec de vagues souvenirs de l'épisode du Quinze Août d'il y a cinq ans, tu t'étais renfermé un moment sur toi-même. Comme si ça ne suffisait pas pour allonger la liste des troubles que la clinique à laquelle tu allais maintenant se faisait une joie de te faire. S'il y a bien une chose dont tu ne leur avais pas parlé par contre c'était ce phénomène étrange constaté un soir où tu te brossais les dents. Tes lentilles étaient enlevées depuis un moment mais tes yeux étaient toujours rouges. Parfois ça arrivait, comme ça, d'un coup. Et tu te sentais plus léger. Pour tout dire, tu ne sentais plus rien. Moultes tests faits dans ta chambre te firent prendre conscience d'une capacité.. Pour le moins amusante. Quand ça arrivait, tu pouvais te tordre comme ton amie clown. Mais pas bien longtemps, l'expérience te l'avait montré. Armé d'un chronomètre tu avais définit cette capacité pas bien extraordinaire pour tout le monde, digne du fruit d'un travail de contorsionniste acharné. Cependant, le contorsionniste pouvait-il se retourner le bras sans prendre compte de ses os ?
Quelle amusante capacité Mayuko. Elle scie parfaitement cet étrange personnage, clown aux airs de princesse, procrastineur hyperactif ainsi que chat imprévisible que tu es devenu, désormais prêt à embrasser la réalité et le monde.
Pour le meilleur, comme pour le pire.