Juste un vide, juste une vie. [PV - Tsuta Yuichi]

Juste un vide, juste une vie.

« On dit que pour oublier une personne, il faut en rencontrer des nouvelles. Mais je m'en fiche des autres moi, c'est toi que je veux.»

feat Tsuta Yuishi

Ça cogitait. La douleur brûlait sur sa peau, le sang coulait sur sa peau, la haine tourbillonait sous sa peau. La souffrance... Cela faisait partie de son nom, mais malgré tout, il haïssait ce mot. Il haïssait son être tout court, d'ailleurs. Il ne prenait pas spécialement soin de lui, mais il plaisait à absolument tout le monde. Les garçons et les filles. Il ne les comprenait pas. Pourquoi être attiré par un être si détestable ? Son paternel lui avait appris, pourtant, qu'il était la pire abomination qui puisse exister dans ce si beau monde.
Et oui, bien qu'il n'ait pas eu une vie hyper heureuse, le petit Kurushimi aimait la vie. Il adorait sentir l'air entrer et sortir de ses faibles petits poumons. Il admirait les battements répétitifs de son coeur un peu trop pourri. Il était fou amoureux de la vie.
Au point de vouloir vivre plus que tout. C'était son objectif, sa vocation, son destin. Il voulait vivre et il vivrait.

Lors de sa période d'écriture, il avait dit : "Je vis. Tu vis. Il vit. C'est tellement simple de dire ça. Mais peux-tu dire que tu existes ?"

Mais c'était faux. Il était mort en même temps que sa mère, le pauvre enfant. Depuis, il ne faisait que survivre. Survivre aux coups, survivre à la honte, survivre aux pleurs, survivre à la douleur. C'était pas comme si il n'avait jamais existé, mais... Se sentir vivant, c'était ce qu'il souhaitait le plus au monde.

Quand bien même, il aurait dû être habitué.. Pendant presque dix ans, il supportait cela, presque dix ans qu'il y survivait.
Et c'était toujours pas assez ! Ah, Nanashi, quand retiendras-tu que tu n'es pas l'un de ses petits africains mourrant de faim ? Arrête de croire que tout le malheur du monde est au dessus de ta tête. Tu n'es pas un enfant battu et violé par son... Ah bah en fait si.

La salle de classe était aussi vide que son coeur. Pour une fois en cette saison d'hiver, le soleil avait vaincu la noirceur morose des nuages. La température ne dépassait pas les trois degrès, mais l'air se faisait déjà un peu moins oppressant. La fenêtre par laquelle il observait le paysage reflétait son reflet haïssable. Sa main posée pour soutenir son visage, assis sur une chaise au fond de la classe. Son coude reposant sur une table impeccable, il ne faisait attention à rien.
Regardez ce visage impassible. Il était tellement faiblard... C'en était presque amusant. Il observait la plaie sur sa joue que lui avait fait son géniteur, la veille, dans une énième tentative de l'assomer avec la lampe brûlante. Ses sombres yeux semblaient contenir toute la détresse qu'il pouvait y avoir en ce monde cruel.

Oui, ce monde est cruel. Nanashi en était la preuve vivante. Mais la raison pour laquelle il aimait tant cette imperfection... C'était qu'il était beau, ce monde.

Il avait tellement besoin de décompresser. La haine se mélangeait à la honte, à la peur, au mépris, à la lâcheté, au malheur, au bonheur, à la détresse, à la tristesse. Tout ce qu'était le jeune Kurushimi, par ailleurs.
Alors une idée lui traversa l'esprit. Aussi idiote qu'elle puisse paraître, il se redressa, prit son sac encore fermé et quitta cette salle de classe vide.
Et il marcha, éperdument, à la recherche d'une quelconque réponse à une quelconque question. Quelques élèves encore présents après les cours se retournaient sur son passage, chuchotant parfois des murmures admiratifs.

Ses amis lui avaient souvent dit de s'inscrire dans un club. Mais il ne voulait pas en choisir un au hasard : Il savait que si il y allait, presque tout le lycée voudrait s'y joindre également. N'y avait-il pas un club spécifique ? Un dans lequel il n'y avait pas vraiment beaucoup de personnes... Kurushimi n'aimait pas trop l'agitation, la foule et le bruit. C'était angoissant.

Alors il escalada les escaliers, gravit les étages et chercha le panneau d'affichage de tous les clubs. Une sorte de récapitulatif.
Sur la fameuse pancarte, il y avait de célèbres clubs mis en valeurs. Athlétisme, musique, basket, foot, dessin... Au moins une vingtaine de membres y étaient actuellement.
Alors un bout de papier singulier attira son attention. Il était dans un coin, recouvert par d'autres affiches colorées. Il y était écrit "Club de manga", d'une écriture irrégulière et en pattes de mouche.

Il sourit à la vue d'une annonce si particulière. Voulait-il faire fuir les élèves ? Il observa le mot. Elle se situait au premier étage, troisième salle.
Alors c'est là-bas qu'il ira.

Lorsqu'il arriva à destination, il n'y avait personne dans les couloirs. Ils étaient tous dans leur salle de club respective, ou alors étaient-ils rentrés chez eux. Les deux solutions étaient aussi plausibles l'une et l'autre.

Au dessus de la porte était écrit "club de manga". Il posa alors sa main sur la poignée, et entra dans cette salle.

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