kioi ▬ unknown informant | 100%

En réalité, tu ne savais pas vraiment ce que tu faisais dans ce monde et pourquoi tu y vivais. T’étais né sous X, tu n’avais connu ni ta mère, ni ton père. Enfin non. Tu n’étais pas exactement né sous X. Pas du tout en fait, mais c’est comme cela que tu le résumais, pour éviter de donner trop de détails. Non, tu avais été donné à un orphelinat dès ta naissance, plus exactement. Ta mère que tu ne connaissais pas avait fait l’effort de te donner un prénom avant de te laisser dans les bras d’inconnus. C’est sûrement pour ça que tu te demandais sérieusement ce que tu faisais là, parmi les autres qui avaient été désirés. Ça se trouve, elle aussi aurait voulu te garder, mais elle n’avait pas pu pour une raison qui t’était inconnu à tout jamais.

Tu avais donc été déposé dans un des orphelinats de Mekakucity. C’est eux qui t’avaient élevé, enseigné les règles de la société, appris à vivre parmi les autres malgré les difficultés. Et quelle difficulté, tu avais une malformation des os au niveau des jambes depuis ta naissance. Ils étaient bien trop fragiles pour que tu puisses te tenir debout ou marcher plus d’une dizaine de minutes. C’était pire qu’handicapant, tu le vivais assez mal. Déjà dès ta plus tendre enfance, tu ne pouvais pas courir avec les autres alors tu restais dans le bac à sable, à refaire sans cesse le même château qui finissait piétiner à cause d’un épervier qui passait par là. Plus tu grandissais, moins tu faisais d’activité avec les autres. Au tout début, tu avais du mal à l’accepter, tu demandais sans cesse des jambes fonctionnels, tu pleurais pour aller à l’hôpital mais tes éducateurs refusaient formellement. Après tout, un enfant qui réclamait une opération n’était pas très conventionnel, mais ton être ne supportait plus de rester cloué au sol. Plus du tout. Alors, sans t’en rendre compte, pour ne pas souffrir, tu pris égoïstement tes distances avec les autres pour te plonger dans les bouquins. Malgré ça, il y en avait toujours qui, dans leur plus grande innocence, te demandait si tu voulais jouer avec toi. Toi, comme un idiot, tu acceptais toujours joyeusement, avant qu’ils ne se mettent à courir partout. Désillusion. Jalousie même. Sauf que ton esprit refoulait tout ça pour t’enfermer dans ces bouquins qui ne s’échappaient pas de tes mains, qui ne quittaient pas cette pièce pour t’obliger à utiliser ce fléau qui te faisait tomber aussi bien physiquement que psychologiquement.

Au fil du temps, tu remarquais que tu retenais particulièrement bien ce que tu voyais, que tu pouvais le retranscrire et le répéter autant de fois que tu le voulais. C’était un énorme avantage pour toi qui haïssait suivre les cours avec les autres. Te lever pour aller au tableau ou pour aller chercher un livre oublié dans le dortoir. Non, dans la bibliothèque de l’orphelinat, tout était à portée de mains, tu n’avais qu’à te lever quelques secondes pour saisir un livre et te rasseoir de suite après. C’était bien plus calme et instructif d’étudier dans ces bouquins plutôt que des livres prévus pour tel ou tel niveau. C’était un peu comme la distinction des genres. Ton esprit n’arrivait pas à saisir pourquoi certaines choses étaient destinés aux filles, et d’autres aux garçons. Toi, tu ne prenais pas la peine de faire la différence, tu choisissais ce qui te plaisait, quitte à subir les moqueries de certains enfants de l’internat. Bien sûr, les gosses qui étaient avec toi te connaissait depuis très longtemps, désormais, ils ne disaient plus rien, trop habitués à te voir faire des choses qu’ils ne saisissaient pas totalement, sûrement.
C’est vers ta douzième année, après que tes tuteurs aient notés ta capacité à observer et écrire beaucoup de choses que tu recueillais dans ton petit carnet, qu’une jeune femme se présenta à l’orphelinat, prétendant être de ta famille. Au début, tu pensais que c’était ta mère. Elle aussi avait les cheveux blancs et les yeux clairs, trop clairs pour une personne normale, comme toi. Mais non, ce n’était pas elle. Apparemment, elle était une de tes cousins, la fille de la sœur de ta mère. Mais t’étais méfiant. Et puis quoi encore ? N’importe qui pouvait débarquer et déclarer que tu étais tel ou tel membre de ta famille. Sauf que, Ai de son nom, t’expliquais calmement la situation. Mais surtout, ce qui réussit à convaincre ton âme d’enfant, ce fut une photo de ta ‘soi-disant’ naissance, prise par une infirmière le jour exact où tu étais né. Il n’en fallut pas plus pour qu’elle te ramène après diverses démarches administratives. Puis au fond, il fallait que tu te l’avoue, elle était très gentille. Peut-être parce qu’elle aussi comprenait le fardeau de l’albinisme dans la société. Après tout, elle était agent de police, ça ne devait pas être facile tous les jours.

Cela faisait désormais deux ans que tu vivais avec elle, et remarquant ton ennui perpétuel, elle t’avait demandé ton avis sur une affaire, mais qu’il fallait que tu gardes le secret. A tout prix. Ce que tu fis sans broncher. Finalement, tu y pris goût, à ses enquêtes compliqués à résoudre par faute d’informations. Alors tu pris ta décision. Tu voulais aider ta cousine, et partit récolter des infos dans l’ombre, notant absolument tous les témoignages, les rumeurs, les conversations à voix basse ou trop personnelles en rapport avec les affaires en cours. Puis tu devins ‘K’, un des fournisseurs anonymes d’infos pour la police. T’aimais bien garder cette double identité, même si évidemment, Ai avait fini par te surprendre, mais elle avait accepté si tu étais sûr de ne pas mettre ta vie en danger. Ta vie en danger, hein … L’idée de ne pas être sécurisé te plaisait bien, ne pas être enfermé entre quatre murs et craindre au dehors … Ça te changeait tellement que tu ne pouvais t’empêcher de sourire en y pensant. Limite tu n’allais pas te mettre à rire de manière pas très rassurante tellement tu te sentais … Libre. Après tout, que pouvais-tu y faire ? Tu allais mettre ta vie en danger pour aider les autres, mais tu n’étais pas idiot. Tu étais peut-être informateur du bon côté, mais tu pouvais tout aussi bien l’être de l’autre …