Amusement Time [Anastasia;Kaede]

La chaleur de ce soleil éblouissant m'étouffait presque. Moi, Kaede, qui étais une jeune fille d'apparence si frêle car je n'avais pas pour habitude de mettre le nez dehors aussi longtemps. En fait, c'était mon oncle qui m'avait mise dehors pour la journée avec un bon coup de pied dans les fesses, contredisant mes plans consistant à jouer aux jeux-vidéos toute la journée. La douleur était encore présente, et me faisait un peu souffrir alors que j'avançais dans les rues de Mekakucity, à la recherche de quelque chose à faire. N'importe quoi. J'étais vraiment désespérée. Tentant une approche inattendue, je levai les bras au ciel. Nuage, aide-moi !

À ce moment précis, quelque chose s'écrasa juste devant mes pieds : il s'agissait d'un pot de peinture blanche. Sur le coup, je restai figée, me demandant ce qui avait bien pu se passer, avant d'entendre un homme paniqué s'excuser plus haut. Complètement effrayée à l'idée de lancer une nouvelle discussion, je levai inconsciemment la tête, trouvant cela impoli de ne pas le regarder en parlant. Tentant d'élever ma voix cristalline afin de me faire entendre, je me rendis vite compte que mes yeux étaient entrés en contact avec les siens. Il se gratta la tête, perdu.

« Ce n'est pas...»
« Hm ? Un problème petite ? Tu ne devrais pas traîner à côté, c'est dangereux !»

Hugh. Je l'avais encore fait malgré moi. Cela promettait d'être encore une journée agaçante. Mettant ma capuche sur ma tête pour me protéger des rayons solaires, je me mis à courir, constatant que la peinture de plus tôt avait coulé sous mes chaussures, ce qui laissait des traces derrière moi. Comme si ce jour n'était pas déjà assez nul, maintenant il fallait que les gens puissent me suivre à la trace à leur guise ! J'avais envie de rentrer. De m'enfermer dans ma chambre et de ne plus penser à tout ça. Mon sanctuaire, mes jeux, ma musique... il n'y avait que ça qui m'importait.

Après une longue course, je m'arrêtai un peu, essoufflée. Où étais-je maintenant ? Je ne reconnaissais rien autour de moi : mes pieds m'avaient guidée à une partie de la ville que jamais de ma vie je n'avais visitée. Mais quelque chose attira mon attention, me forçant à lever le nez vers la foule. Face à moi, il y avait la vie. Ma nouvelle source de bonheur pour la journée, mon rayon de soleil, l'amour de ma vie... bref; un parc d'attraction. Comme une gamine, je me précipitai vers celui-ci, reprise d'une soudaine énergie : pourvu qu'il y ait des manèges à sensation ! Rien que d'y penser, j'en bavais déjà.

À moi l'amusement, la bonne nourriture sucrée, les frissons : tout. Je voulais tout essayer en une après-midi, bien que cela serait probablement impossible tant il y avait de choses à faire... et d'argent à déverser ! Mais pas de problème, j'avais de quoi faire dans mes poches. Merci beaucoup, vieil oncle... pour une fois que son argent allait me servir à autre chose qu'à acheter des jeux ou des peluches. Par quoi commencer ? Mon regard se perdit un peu sur les différentes attractions proposées et, ne sachant pas par laquelle entamer mon périple...

Mes pieds me guidèrent automatiquement vers le stand de friandises. La bouée de secours que je gardais pour la fin quoi ! J'espérais ne pas être malade dans les manèges après, ce serait dommage de tout gâcher... mais je n'avais pas la moindre idée d'où aller pour l'instant. Afin d'éviter tout problème au moment de l'achat, j'avais évité tout contact visuel, repartant ensuite gaiement avec une bonne barbe à papa. Yeay ! Cela faisait si longtemps que je n'avais pas pu en manger ! Heureuse comme le serait une gamine, je repris ma marche au milieu de la foule, mangeant goulûment ce que je venais à peine d'acheter. Puis, d'un seul coup, je m'arrêtai au milieu des gens, comme captivée par quelque chose.

« Une famille hein... »

En effet, dans ce parc, il y avait beaucoup de groupes de personnes... non en fait, j'étais l'unique idiote à me balader toute seule. Comme à chaque fois, j'étais le lapin d'ébène, pas comme si je n'avais pas l'habitude. Mon regard s'arrêta sur une petite fille accompagnée de ses deux parents, l'observant rire avec envie : si seulement j'avais pu grandir comme ça moi aussi... non, il fallait que je me ressaisisse, c'était le passé. Secouant vivement la tête, je regardai mon portable, hésitante. Devais-je appeler mon oncle pour qu'il vienne s'amuser avec moi ?

Sentant une pression brusque dans mon dos, je me vis partir en avant, manquant de trébucher : par chance, je repris mon équilibre avec mes bras. L'air mauvaise, je me tournai vers les responsables de ceci, qui ne s'étaient même pas excusés. En deux secondes je les rattrapai, broyant l'épaule de l'un d'eux avec ma main. Aussi surprenant cela pouvait-il paraître, il déglutit et prit ses jambes à son cou après s'être excusé, ayant probablement compris pourquoi je m'étais énervée. Je soupirai, mettant mes mains sur mes hanches.

« Décidément... comme si ça allait le tuer de s'excu- »

En plein milieu de ma phrase, je m'arrêtai et regardai mes bras, ayant comme l'impression qu'il manquait quelque chose. Enfin, ce n'était plus un pressentiment mais une affirmation... MA BARBE A PAPA. Si mes mains se trouvaient sur mes hanches, cela signifiait que j'avais perdu mon délice quelque part ! Paniquée, je fis cinq pas pour revenir là où j'étais, retrouvant effectivement ma nourriture... gâchée. Mais ce n'était pas le pire : elle s'était collée dans les cheveux déjà roses d'une fille. Prise d'épouvante, je cherchai désespérément à retirer le sucre de sa chevelure, balbutiant sur mes mots et mes yeux passant au rouge pendant deux secondes alors que je lui faisais face pour réparer mes dégâts.

« D-D-D-Désolée... je suis vraiment désolée ! Vraiment vraiment vraiment vraiment ! »

« ... Waaaaaah-!!!! Mais enlève moi ça !! C'est collant et-... ! C'est dégoûtaaaant !!! »

Je faisais de mon mieux pour ôter la barbe à papa, mais au final elle ne me laissa pas le temps de rattraper mon erreur et me repoussa rapidement, retirant elle-même le fruit de ma bêtise -ou plutôt de leur bêtise-. Bah oui, après tout, c'était de leur faute ! S'ils ne m'avaient pas bousculée, rien de tout cela ne serait jamais arrivé, et cette pauvre jeune fille n'aurait pas eu à se battre pour ôter tout ça de ses cheveux ! En plus elle avait l'air mécontente... en même temps, je la comprenais. J'aurais réagi de la même manière si j'avais été à sa place, avec la chevelure toute collée tout ça parce qu'un idiot venait de me coller son délice sucré dans les cheveux.

« ... C'est malin ça ! Je venais juste de-! »

Pourquoi s'arrêter en plein milieu de sa phrase ? Mon regard suivi alors le sien, qui semblait se diriger derrière moi. Quelque chose la dérangeait peut-être ? Une bestiole sur mon épaule, ou un truc de ce genre ? Fronçant les sourcils, comme soudainement calmée, je tournai la tête pour voir... rien du tout d'anormal. Peut-être avait-elle vu quelqu'un qu'elle connaissait ? Non, ça n'en avait pas vraiment l'air en fait. Au contraire, l'inconnue en face de moi ne semblait pas prêter attention à ce qu'il y avait autour d'elle, puisqu'elle paraissait plutôt dans les nuages. Pensive, mais pour quelle raison ?

Moi-même j'avais des limites dans ma curiosité. Si je la connaissais depuis longtemps, je lui aurais demandé. Mais qu'est-ce que tu fixes, depuis tout à l'heure ? Ça m'effraie un peu en fait. Cependant, malgré ce petit instant de panique, mes yeux n'avaient pas conservé leur couleur rouge, à mon plus grand soulagement. De plus, mon visage avait récupéré les quelques couleurs qu'il avait perdues suite à la collision entre ma barbe à papa et ses cheveux. En effet, bien qu'il soit déjà pâle de base, il était devenu aussi livide que la peau d'un cadavre tant que je m'étais sentie mal.

Au fond, je n'étais pas certaine de savoir quoi penser. Me détestait-elle ? Ou pire, avait-elle envie de me rendre la pareille en m'écrasant quelque chose dans les cheveux ? Je ne sais pas moi, une pomme d'amour, une barbe à papa... n'importe quoi ! Enfin, si cela lui permettait de se sentir mieux alors ça m'allait. Peut-être ? Probablement. Ouai, non en fait. Surtout que mes cheveux étaient déjà assez longs, si c'était pour devoir me les couper après, même pas la peine. Au diable les vengeances, je n'étais pas responsable, je ne l'avais pas fait exprès, on m'avait bousculée. Quoique ça aurait pu arriver même si personne ne m'avait poussée.

Constatant que ses mains avaient l'air collantes, je lui fis signe de m'attendre avant de filer vers un robinet, humidifiant un mouchoir en tissu avant de revenir en courant vers la jeune fille, lui tendant l'objet à présent mouillé. Si elle pouvait au moins retirer un peu de sucre, ce serait bien. En plus, avec cette chaleur, si elle restait comme ça, cela ne pouvait pas s'arranger, mais ne faire qu'empirer. Décidément, parfois, je n'en ratais vraiment pas une ! Comme l'on pouvait s'attendre d'une idiote dans mon genre : toujours là au mauvais moment, à se retrouver au milieu des pires gaffes.

« S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour me faire pardonner... »

Même si elle ne pouvait certainement pas le voir à cause de ma frange qui cachait mon visage, mes yeux étaient emplis d'une sincérité et d'un sérieux hors pair. Cela ne me ressemblait pas vraiment, car habituellement, je n'avais jamais le temps de m'excuser : les gens m'oubliaient si facilement que cela m'en donnait des nausées. Pourquoi ne pas l'avoir fait cette fois, alors que ça aurait été plus simple ? Parce que j'en avais assez que l'on m'oublie sans arrêt, que je ne puisse pas me créer de souvenirs durables avec d'autres personnes parce que si je croisais leur regard, je disparaissais de leur cœur... et de leur tête.

J'en ai assez de vivre tout cela... que quelqu'un me sorte de cet enfer.

À cet instant-là, les images du début de ma journée me revinrent en tête. Ma course effrénée, mon souffle coupé... et cet ouvrier, ce pot de peinture qui avait teint mes chaussures, les empreintes de mes pas derrière moi sur le trottoir... c'était douloureux de me les remémorer. Moi aussi, je voulais pouvoir les oublier aussi facilement ! Mais j'en étais incapable, car ces yeux ne me permettaient pas une telle chose. Non, j'étais condamnée à apprendre à vivre avec ça jusqu'à la fin de mes jours. C'était étrange, mais ça resterait comme ça : je ne pourrais rien y changer même si je le voulais.

Comme pour chasser ces idées négatives, je secouai la tête de droite à gauche, affichant un petit sourire timide sur mes lèvres. Afin d'aller de l'avant, je devais arrêter de tout voir sous un angle pessimiste ! Telles étaient les sages paroles de mon oncle... non, en fait, il le disait mais pas d'une manière aussi douce. Disons que ses vrais mots étaient plus secouants ? Directs ? Vulgaires aussi peut-être. Mais bon, au moins, cela me permettait de les retenir aisément, car il avait cette expression sur le visage qui accompagnait parfaitement sa franchise, même s'il pouvait me faire peur parfois.

À force de penser à ces idioties, j'en avais presque oublié la victime de mes propres bêtises. La regardant attentivement pendant quelques instants, je me mis à regarder autour de moi, analysant les différentes attractions. N'étant jamais venue dans cette partie de la ville, je ne pouvais pas trop savoir depuis combien de temps il était là... mais je n'osais pas le demander. Et s'il avait toujours été là, que j'étais passée devant plusieurs fois sans même le remarquer ? C'était fort possible. Soudain, une idée me traversa l'esprit.

« J'ai peut-être une idée. Que dirais-tu de passer l'après-midi avec moi ? Si tu as faim ou soif, je paierai... »

Adieu, argent destiné aux jeux vidéos ! Mais c'était pour le bien de ma vie sociale, il fallait me comprendre... je n'avais pas tellement envie de me faire des ennemis, alors que je n'avais déjà pas spécialement d'amis. Au compteur à ce moment ? Un. Un seul. Sympathique, mais il était normal que je veuille rencontrer d'autres personnes, non ? Après tout, s'isoler tout le temps, ça en devenait douloureux. Ah, mais que faire si elle ne pouvait pas ? N'allais-je pas passer pour une idiote ? Elle devait sûrement penser "Attends, tu ne me connais pas et tu m'invites ? T'es bizarre toi", ou un truc de ce genre ! Un peu embarrassée à cette idée, une couleur pourpre teinta légèrement mes joues.

« Si tu ne peux pas, tant pis... je trouverai un autre moyen... »

Face à ma proposition, la rose eut l'air surprise. Étais-je étrange à ce point-là de vouloir passer l'après-midi avec elle alors que je ne la connaissais que depuis quelques minutes à peine ? Oh. Et si elle me prenait pour le genre de personne qui stalke les autres, ou une nana un peu bizarre qui aime bien parler à des gens randoms et les inviter comme ça ? Bon dieu non, heureusement que j'étais revenue sur mes paroles en disant que ce n'était pas grave si elle ne pouvait pas. Décidément t'en rates pas une Kaede... pauvre tâche que tu es. Tout ça parce que ta position de lapin noir te fait de sentir plus seule que tu ne pourrais l'imaginer... oh ?

« S-Si !! Je passe la journée toute seule ici, mon amie m'a posé un lapin quand je venais d'entrer donc je n'ai vraiment personne ici... Et comme tu te proposes, si toi aussi tu veux bien passer l'après-midi avec moi... »

Un long soupir de soulagement s'extirpa de mes lèvres. La solitude me rongeait-elle à ce point ? À croire que j'avais besoin de compagnie, plus que je n'aurais pu le croire. Limite ça m'était vital pour pouvoir me sentir bien. Maintenant que j'y pensais, cela avait commencé par ma rencontre avec Koyen, parce que bon à ce jour, c'était mon premier et seul ami. Le fait d'en avoir un provoquait-il en moi cette envie subite de me sociabiliser ou ce n'était qu'une impression ? J'optais forcément pour la première option. Pourquoi ? Mon instinct, pas besoin d'une autre justification ! C'était la valeur sûre ! Enfin, pas pour tout.

En tout cas, se faire poser un lapin comme ça, ce n'était vraiment pas sympathique de la part de l'amie de la rose. À sa place, j'aurais certainement râlé ! Mais comme cela ne me concernait pas, je ne fis aucun commentaire. À l'attente du "si toi aussi tu veux bien", je fus un peu amusée, un sourire chaleureux s'étirant automatiquement sur mes lèvres. Cela me faisait vraiment plaisir qu'elle ait accepté ma proposition, car j'étais vraiment, VRAIMENT désespérée au moment où j'avais prononcé ces mots. Haha... pas comme si je l'étais h24 en fait. Bien sûr que si, t'es un cas désespéré ma pauvre fille. Tu t'isoles alors que tu ne veux pas être seule, t'es vraiment bête.

Mon regard suivi alors le doigt de ma nouvelle camarade de jeu, pour se poser sur... c'est quoi c'truc déjà ? Ah oui... les montagnes russes. Je ne connaissais pas spécialement cette attraction, simplement de nom : je ne l'avais jamais faite, ni une similaire pour ainsi dire. Mon regard intrigué se dirigea vers la jeune fille qui semblait sourire. Ah ! Peut-être connaissait-elle cette attraction ? Alors elle devait sans aucun doute en valoir la peine ! Ne souhaitant pas passer pour une inculte, je regroupai toute la joie disponible dans mon âme pour l'étaler sur mon visage.

« Tu veux commencer par quoi ? Ça ? Ça là-bas ? Ou un peu plus loin peut être... »
« C'est cool ça ! Allez viens, on y va ! »

Ma pauvre, si tu savais dans quoi tu t'embarques là... les sensations fortes, tu ne connais pas mais il fait un début à tout, non ? Dans mon entrain j'avais attrapé la main de l'inconnue, l'entraînant vers la file d'attente des montagnes russes afin de tester ce manège dont j'avais si souvent entendu parler. Moi ? Généralement je me contentais d'assouvir ma passion, quelque peu étrange pour une fille avec mon apparence frêle. Moi qui avais l'air si... ahem... douce et timide, j'étais une fan des trucs qui étaient censés faire peur. Les zombies, les fantômes, tout ça me rendait folle ! C'était pour cela que les maisons hantées me tentaient bien plus.

Cependant, une fois au milieu de la file, je commençai enfin à prêter attention à cette attraction en général. Beaucoup de cris se faisaient entendre.. était-ce si effrayant que ça ? Peut-être qu'il y avait de faux squelettes, ou ce genre de choses ! Rien qu'en imaginant cela, mon regard se mit à briller. Mais cela ne dura que très peu de temps. Il me suffit d'observer les wagons dans lesquels les gens se trouvaient pour me calmer, me faisan même ravaler ma salive. Wow. Ça allait vite, et c'était très, très haut ! De quoi fiche la frousse à n'importe qui... mais pas à moi ! J'allais braver ces montagnes russes pour ma propre estime personnelle, et ainsi pouvoir me vanter d'avoir résister à ces descentes de la mort.

« Ça a l'air vraiment cool... » me murmurai-je à moi-même.

Bon, moi je ne me trouvais pas trop crédible parce qu'au fond je savais que je flippais quand même pas mal. L'inconnu m'avait souvent effrayée, mais cela ne serait que bref : une fois installée ça irait, non ? Toujours aussi intriguée je me tournai vers la rose, avant de remarquer quelque chose de très important. Je l'entraînais avec moi et tout... mais je ne savais même pas qui elle était. Je n'allais pas éternellement la qualifier comme étant la victime de ma stupidité ou la demoiselle aux cheveux saveur barbe-à-papa : il me fallait donc son nom. Et malpolie comme je l'étais, je ne m'étais même pas présentée.

« Au fait, je m'appelle Kaede, tu peux m'appeler Kae ! »

J'avais souri de manière malicieuse, ayant finalement dégager la frange de mes yeux. De toute façon, en voyant la vitesse de ce truc je m'étais dit que cela ne me servirait à rien de m'aveugler alors que j'allais finir décoiffée, alors autant voir clair. Et puis, ce n'était pas comme si ces satanés yeux rouges s'activaient tout le temps.. disons que je faisais ça par simple précaution ? Ne savait-on jamais après tout, car j'étais incapable de maîtriser ma capacité. Pourvu qu'elle ne s'active pas durant le reste de la journée... alors que je pouvais enfin passer un après-midi avec une fille, qui deviendrait peut-être mon amie par la suite !

La file continuait d'avancer, jusqu'à que ce soit enfin notre tour. Rien qu'en regardant les personnes en plein tour, je me sentis un peu mal à l'aise, me demandant finalement si c'était une si bonne idée que ça, et si la maison hantée n'aurait pas suffi. Et bah alors Kae la poule mouillée ? On se dégonfle ? Moi, renoncer ? Pfuh ! Jamais de la vie ! Autant mourir que de me couvrir de honte en me faisant dessus au dernier moment ! Oh, mais peut-être que la rose avait peur, elle ? Je ne lui avais pas demandé son avis après tout... car si cela se trouvait, elle avait pointé les montagnes russes sans faire exprès. Ahh, quelle belle idiote je pouvais faire.

Le tour avant le notre étant terminé, il fallait qu'on aille se mettre en place. Anxieuse, je m'assis dans l'un des wagons, entraînant la jeune fille à ma suite avant de regarder partout autour de moi : décidément, cette attraction était populaire... était-ce parce qu'elle faisait peur ? Moi qui croyais être la seule andouille à penser de la sorte... visiblement non. Tant mieux ! Cela signifiait que cet endroit était fait pour moi ! Néanmoins cela ne me rassura pas et lorsque je vis la sécurité se refermer sur nous, je me mis à appréhender le tour. Et ce fut encore pire lorsque le wagon commença à avancer sur les rails. Juste au sommet d'une bosse, avant que le "train" n'entame la descente, je tournai la tête vers elle, ce que je pensais se lisant presque dans mon regard légèrement effrayé et défaitiste.

*Je crois que je ne vais pas tenir le coup. Ravie de t'avoir connue.*

« Nan-... »

Elle m'ôtait les mots de la bouche, c'était exactement ce que j'allais dire ! Sauf que moi, je n'en avais pas eu le temps et c'était fort dommage. Un cri s'arracha néanmoins de ma gorge au moment de la descente un peu trop rapide à mon goût. En plus, le tour me parut durer une éternité, ce qui n'arrangea pas mon état second. Une fois celui-ci terminé, je sortis en marchant un peu de travers, comme si j'avais bu une importante quantité d'alcool sauf que j'étais parfaitement sobre. Quelques nausées s'emparaient de moi, et je luttais de mon mieux pour ne pas paraître ridicule : en même temps, quelle idée d'aller dans les montagnes russes alors que je venais à peine de finir une barbe à papa !

Même si d'ordinaire j'aurais adoooré regarder le contenu de la boutique de "souvenirs" de l'attraction, là, ce n'était pas possible. Je voulais sortir au plus vite, m'éloigner de cet engin sorti tout droit des enfers. J'avais essayé pourtant, mais ça n'avait pas suffit : je me sentais trop mal là, les remontées commençaient à s'accaparer de mon attention totale. Mais bon, je n'avais pas l'air d'être la seule dans ce cas, maintenant que je prêtais attention à ceux qui m'entouraient : beaucoup étaient comme ça. Haha, des idiots comme moi qui n'avaient jamais essayé les montagnes russes auparavant et qui avaient voulu faire les malins devant leurs amis ? Ouai sûrement... ahh, ce que je pouvais me sentir stupide.

Néanmoins, quelque chose attira davantage mon regard : Anastasia qui venait de partir comme une flèche. Curieuse, j'avais essayé de la suivre avant de me rendre compte qu'elle filait en réalité vers les toilettes. Oh, elle aussi elle n'avait pas supporté ? Un rire s'étouffa pendant quelques secondes dans ma gorge, avant que je ne me précipite vers une poubelle pour vomir tout ce que je pouvais, en gros tout ce que j'avais pu avaler dans la journée. Une fois terminé, je me redressai et constatai avec effarement les dégâts : j'avais redécoré l'objet à ma façon, pourquoi pas hein. Dommage pour la barbe à papa qui était si délicieuse, au pire je n'avais qu'à en racheter une.

Quand je la vis sortir, je fus un peu rassurée car elle avait l'air d'aller mieux. Tant qu'elle était partante pour quelque chose, moi ça m'allait ! Evidemment, c'était à condition que cela ne soit pas un manège à sensations comme celui-ci... je ne pourrais pas supporter un second tour d'un truc pareil. Trop difficile pour mes tripes. Mais que faire à présent ? Sachant que nous avions probablement toutes les deux été malades, les sensations n'étaient certainement plus au programme. Et moi, je ne connaissais rien de ce parc et je n'avais pas de carte avec moi, quel dommage.

« ...Désolée, en fait j'avais le vertige... Et pas très résistante aux montagnes russes apparemment... Mais c'était... Bien quand même... ! Et désolée encore... Pour être franche, je suis jamais montée dans un truc comme ça... »

« Ne t'en fais pas Ana, moi non plus je n'étais jamais montée dans ce... truc. Et je ne le referai plus. »

Un petit rire nerveux s'extirpa de ma gorge, un peu honteuse tout comme Ana devait l'être, après tout elle était partie aux toilettes en première et ne m'avait donc pas vue transformer la poubelle en une œuvre... contemporaine. Fort heureusement d'ailleurs, sinon ça aurait été extrêmement gênant ! Enfin, pas comme si la moitié des gens aux alentours m'avaient vue hein... à peine. Et ma fierté dans tout ça ? Bah elle en avait pris un sacré coup, plus que je n'aurais pu l'imaginer. Il fallait que je me réconforte... vite ! Et si je me disais que c'était trèèès courageux de ma part d'avoir tenté l'inconnu ? Mais quelle bonne idée ! Je me sentais déjà mieux. Ou pas en fait.

« Qu'est ce que tu veux qu'on fasse maintenant ? Comme j'ai proposé l'attraction de la mort, tu veux pas en choisir une ? Touuut ce que tu veux... ! »

Tout ce que je voulais hein ? C'était bien beau à proposer, mais moi je n'en avais vraiment aucune idée, c'était la première fois que je venais ici. Une fois de plus, mon regard fit le tour des différentes attractions, dans l'espoir d'en trouver une pas trop "puissante"... enfin, je me comprenais. Et puis maintenant, j'étais en état de penser, pas comme plus tôt. Finalement, mon regard pétillant se posa sur l'une d'elles, qui sembla sortir du lot pour moi. Celle à laquelle j'avais pensé en entrant ici, celle que je voulais à tout prix essayer. Et il s'agissait de...

« La maison hantée ! Suis-moi, Ana~ »

En fait je lui avais dit de me suivre, mais je l'avais entraînée avec moi malgré tout dans mon élan. La timidité dont j'avais fait preuve au départ avant maintenant presque entièrement disparue, notamment parce que je me dirigeais là vers l'une de mes plus grandes passions : ce qui touchait à l'horreur, au paranormal. Pourquoi ? Je n'en savais rien, mais j'adorais ça pour une quelconque raison. Contrairement à la majorité des filles, cela ne me faisait absolument pas peur de m'aventurer dans ces maisons hantées, loin de là : moi, ça m'amusait avant tout, et j'aimais beaucoup commenter le maquillage des personnes censées faire peur dedans.

Généralement, les gens ça les choquait de voir que ça ne m'affectait pas dans le sens voulu. Mais je ne devais pas être la seule givrée à aimer ça, si ? M'enfin. Une fois devant l'attraction, je ne me sentis presque plus, totalement absorbée par mon côté enfantin impatient. Je voulais y aller, j'en mourrais d'envie, mais j'avais peur que cela ne plaise pas à la rose. Mais elle m'a bien dit tout ce que je voulais non ? Alors pourquoi pas ça ! Au moins il n'y avait pas de sensations fortes ici... peut-être juste un peu de frayeur pour certains, mais c'était tout non ?

Tenant fermement la main d'Anastasia dans la mienne, j'entrai dans la maison hantée, constatant que l'ambiance était plutôt réussie. Il y faisait bien noir, il y avait bien cette atmosphère lourde et un peu froide... parfait. Magnifique. J'étais bouche-bée. Et plus j'avançais dans l'obscurité, plus je me disais que j'étais heureuse d'être en vie afin de pouvoir vivre ça. Sérieusement, ça en valait vraiment le coup ! Ça aurait été dommage de rater ça. Et puis, accompagnée c'était encore mieux... moi qui n'avais pas l'habitude d'être en sortie avec quelqu'un, j'étais réellement heureuse d'avoir rencontré Ana, même si les circonstances n'étaient pas terribles je devais l'avouer. Bon, au moins avec les montagnes russes, la barbe à papa avait volé hors de ses cheveux.

« Ça va Ana, ça ne te fait pas peur au moins ? » demandai-je, ignorant complètement le vampire qui venait de bondir devant nous.

« ...Oui ça va... Mais non j'ai pas peur-AAAAAAAAAAH !!! »

Mon cœur fit un bond, direct. Wow, calme ! Non, je n'avais pas eu peur du vampire, qui lui-même avait sursauté en entendant le cri de ma camarade... maintenant, j'avais un peu mal aux oreilles. Si j'avais su qu'elle aurait peur à ce point, jamais je ne l'aurais forcée à venir ici ! Moi, je voulais juste m'amuser, pas la torturer ! Du coup, je redoutais le reste de l'attraction et j'avais en partie raison : Ana passa son temps à se coller à moi en hurlant. Moi ? J'avais fini par ne pu trop en souffrir, mais je m'en voulais tout de même un peu de lui faire subir ça. Finalement, au fur et à mesure que nous marchions, je recommençai à admirer les différents "monstres" qui défilaient sous nos yeux. Sérieusement, leur maquillage était tellement parfait ! Comment ne pas apprécier ? Ou alors t'es juste bizarre Kaede.

Une fois sorties, je fus un peu déçue au départ parce que moi je m'y plaisais bien. D'ailleurs si la rose n'avait pas été là, j'y serais probablement retournée sans hésitation. La dose d'adrénaline avait été si forte que mon cœur en palpitait encore ! Posant ma main sur ma poitrine comme pour le calmer, je me sentis voler vers une autre direction, ne comprenant pas trop ce qu'il m'arrivait. Bon, c'était Ana qui m'entraînait. Où ? Je n'en savais rien, mais j'allais bien finir par le découvrir tôt ou tard. Et puis, j'avais choisi l'attraction alors maintenant c'était à elle de faire un choix ! Que j'apprécie ou pas sa décision j'allais faire avec, comme elle l'avait fait avec la mienne.

Mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'embarque là. À cet endroit si... génial. Au loin, j'apercevais déjà le marchand de glace. Yeaaaah, moi j'étais heureuse comme tout ! Décidément nous étions faites pour nous entendre. Une fois face à lui je me mis à observer touuuus les parfums, en bavant devant. Non non, pas au sens figuré... au sens propre. Enfin pas si propre que ça hein, t'as le filet qui s'échappe du coin de ta lèvre. T'as l'air un peu pathétique, lapin débile. La ferme le cerveau. Reviens quand tu me seras utile, d'accord ? En attendant qu'elle fasse son choix, mon je continuais de zieuter un peu tout, n'arrivant pas tellement à me décider sur la glace que j'allais prendre... quel cruel dilemme. J'avais déjà rencontré ce genre d'hésitation au magasin, quand j'avais rencontré Koyen... c'était tellement dur à supporter quand le choix était imposé.

« Alors ! Moi je vais prendre une glace, manguefraiseframboisechocolatpistacheetpomme s'il vous plait ! La formule avec 6 boules sur le cornet ! »

Que, que... quoi ? SIX BOULES ?! Mon regard se porta directement sur mon pauvre porte-feuille, qui allait se retrouver vide en l'espace de quelques instants. Adieu, jeux de la semaine... j'allais devoir attendre un moment avant d'atteindre à nouveau la somme nécessaire pour m'acheter les nouveautés. Enfin, quoique, d'après ce que j'avais lu il n'y avait rien de très intéressant de prévu pour les semaines à venir. Et puis, ce n'était pas comme si je sortais à peine de chez moi ! Je pouvais au moins faire ça, et puis après tout, j'avais aussi écrasé de la barbe à papa dans ses cheveux... rien que d'y repenser je me sentais mal, à la fois parce que j'avais sali sa magnifique chevelure mais aussi parce que j'avais gâché ma confiserie du coup.

Observant sa glace grandir de plus en plus, je déglutis légèrement. Ouai bon ça faisait beaucoup, en espérant que ça ne soit pas au-dessus de mes moyens. Surtout qu'en plus, moi aussi je voulais vraiment en manger une ! C'est alors que mon regard se balada sur la pancarte. Mouai... les prix étaient raisonnables ce qui signifiait... GLACE ! Maintenant je n'avais plus qu'à me décider sur les parfums désirés. Parce qu'en fait, je les désirais tous sans exception et là était le problème. Finalement, mon choix se porta sur quelque chose de très basique, mais c'était un mélange que j'aimais par-dessus tout.

« Pour moi, ça sera Vanille-Fraise s'il-vous-plaît. »

De toute façon, face au sourire de ma nouvelle amie je ne pouvais pas faire grand chose, j'étais comme charmée par celui-ci, un peu comme quand un enfant nous fait les yeux doux pour obtenir quelque chose. Une fois ma glace dans les mains, je souris à mon tour assez chaleureusement en me tournant vers le marchand, payant avant de m'éloigner un peu pour m'affaler sur un banc, comme une vieille loque. Ohh, la joie que d'être installée comme ça. Sans plaisanter je devais prendre la place d'au moins deux personnes mais je m'en fichais un peu, puisque personne ne semblait vouloir s'asseoir et il y avait au moins assez de place pour Anastasia.

Pendant que je mangeais ma glace, mon regard se balada sur les alentours à la recherche de ce que nous allions bien pouvoir faire après. Pour ma part, je n'en avais aucune idée mais nous avions le temps puisque nous mangions, non ? N'ayant pas pour habitude de passer la journée avec quelqu'un, encore moins au parc d'attraction, je ne savais pas trop quoi faire. Alors que les parfums se mélangeaient dans mon palais je reportai mon attention sur Ana, me demandant si elle avait une idée de manège à faire ou même si elle appréciait sa glace très chargée. Au pire, si elle n'arrivait pas à la finir... moi j'étais là hein. C'est beau d'espérer Kaede, mais ne te fais pas trop d'illusions. Alors arrête de baver devant sa nourriture.

« J'espère que la glace est bonne ! Sinon, tu as une idée de ce qu'on pourrait faire après ? »

Evidemment je n'avais pas envie qu'elle me dise "je suis fatiguée je rentre chez moi", parce que pour une fois que je pouvais passer une agréable journée en compagnie de quelqu'un... et puis je voulais apprendre à bien la connaître. Tout de même, le hasard avait bien fait les choses : que l'on se croise ici malgré cette foule abondante, nous qui étions toutes les deux seules et qui au final ne cherchions qu'à nous amuser et à nous changer les idées, pour oublier tous nos petits problèmes de la vie. Dit comme ça c'était profond, très profond, mais comme par hasard dans des moments pareils il n'y avait personne pour enregistrer mes pensées afin de prouver que je n'étais pas totalement stupide. Quel dommage.

Mon regard errant finit par se poser sur le carrousel. Et à cet instant-là, mon regard se mit à pétiller en même temps que mon cerveau me criait dans la tête "non Kaede, non, ne fais pas ça". Et moi, à l'inverse, je pensais que je DEVAIS y aller, au moins une fois, même toute seule s'il le fallait. Je souhaitais tant ressentir la nostalgie de mon enfance s'emparer de moi en montant là-dessus, oublier un peu que j'avais presque dix-sept ans et ainsi mettre de côté toutes mes responsabilités le temps d'un tour. Mais après, il était certainement peu probable qu'Anastasia souhaite s'embarquer dans ce délire bizarre qu'était le mien...

« Tu veux un peu de ma glace ? » demanda-t-elle en me laissant prendre le cornet, peu après avant de le reprendre, plus rapidement que je ne l'aurais cru. « Alors ? J'ai vu que tu voulais aller au manège qui tourne avec les cheveux là... On pourrait y faire un tour... ! Et après on passerait dans la grande roue, à la fin du parc. Et... après je pense rentrer, il sera certainement un peu tard, et j'ai encore pleins de choses à faire chez moi... ! Amusons-nous encore un peu, et surtout finissons nos superbes glaces... ! »

S'amuser : une offre que je ne pouvais en aucun cas refuser. Continuant chacune à manger notre délice glacé de notre côté en riant grandement, je me mis tout de même à regretter de ne pas avoir été assez rapide pour goûter au moins l'un des six parfums de sa glace, alors qu'elle me l'avait proposé. Mais d'un autre côté je me disais que c'était la sienne et qu'il valait mieux que je lui laisse : c'était pour son plaisir, pas le mien, et c'était aussi pour m'excuser pour le coup de la barbe à papa. Du coup je ne me plaignais pas, contrairement à mon portefeuille qui semblait en avoir marre de la vie parce qu'il avait sans arrêt le ventre vide. Triste histoire tout ça, mais qu'est-ce que je pouvais y faire ? Ce n'était pas de ma faute si l'argent ne tombait pas du ciel ! Parfois je me disais que ça serait pas mal si un tel événement arrivait de temps à autre, puis je me remémorais le problème crucial d’égoïsme dans notre société : les plus avares laisseraient ainsi les plus démunis dans leur galère, parce que c'était encore pire que de la drogue ; une fois que l'on avait goûté à l'argent c'était fini. Certes il y avait parfois des exceptions, mais on ne les croisait pas plus que ça dans les rues.

Mon regard se porta ensuite vers les nuages. L'obscurité se montrait progressivement en modifiant la teinte azurée du ciel en un magnifique dégradé orangé, ce qui annonçait qu'il ne fallait pas trop tarder à rentrer. Mais moi, j'avais encore envie de m'amuser ! Sauf qu'Anastasia m'avait clairement dit qu'elle devrait bientôt partir, résultat des courses j'allais certainement m'en aller moi aussi. Enfin, après notre tour de carrousel et la grande roue bien entendu ! Non je ne comptais pas flirter avec elle pendant notre dernier manège, ce n'était pas mon but mais elle l'avait si gentiment proposé et... en plus j'adorais la grande roue. Être en hauteur, pouvoir regarder le paysage et en plus au coucher de soleil cela ne pourrait qu'être merveilleux ! Du coup ça me donnait vraiment envie d'y aller maintenant, mais avant : les chevaux ! Histoire de retomber en enfance, cédant ainsi à mon caprice même si elle n'avait pas l'air spécialement enchantée nous nous dirigions vers le manège, attendant notre tour. Moi j'étais impatiente même si je ne le montrais pas plus que ça, quoique mon regard pétillant devait me trahir. Entre temps nous avions fini nos glaces, du coup nous étions prêtes à monter ! Et moi, évidemment, j'avais choisi le magnifique cheval blanc, un peu comme celui des princes.

La musique se lança et le manège commença à tourner, nos chevaux se levant et se baissant progressivement à mon plus grand bonheur. Tous les rêves de mon enfance me revenaient à l'esprit, surtout celui du beau prince venant me chercher sur son fidèle destrier afin de m'emmener dans son royaume– bref des songes de gamine quoi. J'avais toujours aimé cette illusion du monde, c'était peut-être pour ça d'ailleurs que j'étais autant accro aux otomes ? Bonne question à se poser. Sauf que je n'étais pas en état de réfléchir pour être honnête. Ça devait faire bizarre aux gens de voir une personne de mon âge faire une telle tête, c'est-à-dire celle d'une enfant s'étant retrouvée dans une chocolaterie où elle serait autorisée à dévorer toutes les friandises jusqu'à que ses désirs soient satisfaits. Vous voyez à peu près la tête stupide et candide ? Et bien voilà, j'avais exactement la même pendant tout le tour de manège, alors que j'étais sur mon cheval. Le temps passa très rapidement et lorsqu'il fut temps de descendre pour laisser la place à d'autres personnes j'eus beaucoup de mal, parce que j'étais trop bien là. Mais il le fallait bien, alors je m'écartai du cheval après l'avoir longuement regardé, comme s'il s'agissait là d'un adieu à mes rêves d'enfant. Puis je reportai mon attention sur mon amie aux cheveux roses.

« En avant pour la dernière attraction ! »

À ces mots j'attrapai sa main et me précipitai vers la grande roue, montant dans une nacelle avec elle au dernier moment. Même pas essoufflée je me précipitai immédiatement contre la vitre, regardant la vue avec un regard brillant. J'avais effectivement raison : c'était magnifique. Cette journée resterait probablement gravée dans ma mémoire tellement j'avais passé du bon temps : cependant je n'irai pas jusqu'à dire que je ne regrettais pas de lui avoir collé ma barbe à papa dans les cheveux. Cette simple pensée me fit rire nerveusement, me sentant complètement stupide sur le coup : j'espérais sincèrement qu'elle ne s'en souviendrait pas éternellement ça par contre, genre 'ouah je me souviens comment on s'est rencontrées tu m'avais collé ta barbe à papa dans les cheveux'. Maintenant que cette journée touchait à sa fin je me mis à y songer plus attentivement. Si j'avais été heureuse de sortir ? Oui, vraiment. Au moins j'avais pu faire une formidable rencontre malgré les quelques problèmes que j'avais eu avant ça et les dégâts que j'avais provoqués. Soudain, j'eus comme une réalisation, une illumination dans mon cerveau. Il y avait un détail que j'avais omis.

L'affection que je lui portais était-elle à sens unique ? Non, probablement pas. Cependant nous n'avions aucun moyen de communiquer. Nous connaissions nos noms respectifs, mais nous n'avions pas songé à échanger nos numéros. Peut-être n'osait-elle pas ? Ou alors elle ne voulait tout simplement pas garder un quelconque contact après cette journée. Sans essayer je ne pourrais néanmoins jamais avoir la réponse, et quitte à avoir tissé des liens dans la journée j'aimerais que cela dure, surtout qu'elle était une personne tout à fait adorable et très ouverte. Il y en a certains qui auraient pu me faire la morale pendant vingt minutes simplement pour avoir écrasé ma barbe à papa dans leurs cheveux, accident ou pas ! Du coup il fallait que je saisisse ma chance avant que l'on ne sorte de la grande roue, parce que je me voyais mal demander au milieu de la foule comme si de rien n'était pour être honnête. Sortant maladroitement mon téléphone de ma poche je la regardai avec insistance, essayant d'être le plus crédible possible. Après avoir noté rapidement quelque chose je lui montrai mon écran, un peu sous la pression : je n'avais pas l'habitude de faire autant d'efforts, résultat c'était assez difficile pour moi.

« T-Tiens Ana ! Voilà mon numéro si tu veux euh... rester en contact ? »