Biscuit volant, le retour. ft. Haku Kaede

« Comment ça, les friandises sont capables de voler ? »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

Yeah ! Ma journée avait très bien débuté ! En effet, j'avais pu mettre la main sur ce jeu que je cherchais depuis déjà plusieurs semaines... merci Tonton de m'avoir mise dehors aujourd'hui une fois encore. Après avoir fini tous ceux que j'avais à la maison, je n'avais plus eu quoi que ce soit d'intéressant à faire, alors celui-ci me sauvait la vie. Néanmoins, il manquait quelque chose afin que ce jour soit complet et reste dans ma mémoire en tant que "bon souvenir". Il me fallait accompagner ce divertissement par quelque chose d'encore mieux que le boîtier de ce jeu et l'obscurité de ma chambre.

Par là, j'entendais des sucreries. Que serait un après-midi zombies s'il n'y avait pas de quoi grignoter en même temps ? Car même si mon oncle avait fait les courses, il avait refusé de m'acheter des "cochonneries", parce que je ne ramassais pas toujours les papiers... mais ne comprenait-il pas que ma chambre, c'était mon sanctuaire, et probablement ma future tombe ? Personne n'avait le droit d'entrer normalement, il avait de la chance que je ne lui en veuille pas pour ça d'ailleurs ! Enfin, ce n'était pas que je ne voulais pas m'énerver contre lui... c'était que je ne pouvais pas. Même si cela ne se voyait pas toujours, je l'adorais plus que tout.

Une fois au grand magasin, je m'arrangeai pour ne croiser le regard de personne, balayant ma frange devant mes yeux afin que l'on me laisse tranquille. Que les clients autour puissent me trouver bizarre, cela ne m'affectait que très peu : rien à faire, tout ce que je voulais moi c'était trouver de quoi manger. Une fois dans le rayon tant convoité, je me mis presque à baver, sautillant sur place d'un air victorieux. Je me précipitai dans l'allée, observant les étalages avec envie. Qu'allais-je bien pouvoir prendre ? Il y avait tant de choix, ce qui rendait les choses tellement compliquées.. dommage que je ne puisse pas tout acheter !

« Ahhh, le paradis ! ~ » lâchai-je, sans réfléchir.

Des pas se firent entendre, ce qui me ramena à la réalité. Ah oui, j'avais presque oublié que je n'étais pas chez moi en train de contempler mon frigo ou mes placards... mais dans un lieu public, où il y avait des gens. Cela signifiait que je devais faire attention à mon comportement et à l'impression que je donnais... que l'on ne me fasse pas interner pour avoir tourné autour d'une boîte de bonbons. Ce serait dommage, moi qui avais fait l'effort de rester en plein soleil et de me mêler à la foule alors que j'aurais pu attendre dans un coin sombre le tant que la journée se termine.

À mes côtés, il y avait un jeune homme qui fouillait, probablement pour la même raison que moi : la nourriture. Evidemment, je ne voyais pas ce qu'il pourrait fabriquer d'autre. Néanmoins, j'espérais qu'il s'en irait vite, que je puisse recommencer à baver tranquillement sans que l'on puisse me juger. Enfin, cette pensée ne dura que très peu de temps dans ma tête : en effet, je vis un paquet de meringues. Cela faisait tellement longtemps que je n'en avais pas mangé ! La chance était avec moi aujourd'hui, en plus c'était le dernier. Je restai le fixer un moment, et à l'instant où j'allais essayer de l'attraper... il me sauta au visage.

« Que... quoi ? »

L'objet de mes désirs s'écrasa d'abord contre mon visage, me faisant tomber sur les fesses de surprise, avant d'aller s'étaler aux pieds de l'inconnu que j'avais vu plus tôt. Pourquoi tant de haine, gâteaux ? Qu'ai-je fait pour mériter tant de méprise de votre part ? Et là, le cauchemar : il ramassa ce que je convoitais quelques secondes plus tôt, provoquant un énorme sentiment d'effroi. Non, pourquoi ? Pourquoi cela n'arrivait qu'à moi ?! Dire que ma journée avait si bien commencé... moi qui ne souhaitais que jouer aux jeux vidéos en paix dans mon sanctuaire d'obscurité en mangeant un tas de sucreries... pourquoi est-ce qu'il fallait qu'à chaque fois, quelque chose se mette en travers de mon chemin ? La frange encore devant mes yeux, je pointai timidement le paquet du doigt, ayant encore une lueur d'espoir.

« Tu ne t'es pas fait mal ? »
« J-Je vais bien... dis-moi, tu comptes le pr-... wow. »

Une suite de réactions étranges venant de ma part, passant de l'interrogation au plus grand choc de ma vie, probablement. Mes iris rosés avaient croisé ceux du jeune homme qui étaient... rouges ? Était-il comme moi ? Non, je devais me faire des idées... après tout quelqu'un pouvait avoir cette couleur de yeux au naturel : les albinos, par exemple ! Mais cela expliquerait ce paquet de meringues ninja qui m'avait attaquée aussi sauvagement. Hey, mais il s'était approché en plus ! Non, personne dans mon champ de vision à moins de cinq mètres, périmètre de sécurité. Pendant quelques instants je restai plantée à le fixer, avant de reculer à l'autre bout de l'allée sans même prendre la peine de me relever : en gros, j'utilisais mon postérieur comme serpillière pour le sol. Bref, Kaede dans tout sa splendeur.

Je devais absolument éviter tout contact visuel avec lui, je le savais bien mais... j'étais bien trop intriguée par son regard écarlate. Malgré moi, je m'étais retrouvée à me rapprocher à nouveau après m'être remise sur mes pieds, de manière assez précipitée. Bien plus proche que tout à l'heure, je me penchai vers lui pour l'examiner sans montrer la moindre once de gêne. Fixant ses iris à travers ma frange dorée, je finis par me désintéresser quelques secondes le temps d'attraper quelques paquets de gâteaux à ma gauche. Je me redressai ensuite, serrant ceux-ci contre moi en murmurant, de manière à ce qu'il puisse entendre cependant.

« Des yeux rouges... ce ne sont pas des lentilles au moins.. ? »

« J'ai beau être blonde je ne suis pas totalement idiote. »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Euh... … »

Quoi, j'avais dit quelque chose de mal peut-être ? Son visage avait progressivement viré au rouge... avait-il chaud ? Pourtant l'air était frais dans ce magasin. À cette pensée je fronçai les sourcils, plutôt perplexe. Au fond, cela m'inquiétait car soit il avait de la fièvre, soit il songeait à dire une bêtise plus grosse que lui et cela le stressait plus que tout. Enfin, ce n'était pas comme si cela me concernait après tout... non ? Je n'avais aucun droit de me mêler de ses affaires. En tout cas, quelque chose n'allait vraiment pas chez lui : il alla même jusqu'à fuir mon regard et fermer les yeux ! Faut le dire si je fais peur hein...

« Tu as rêvé, mes yeux ne sont pas rouges. Regarde, ils sont noirs. Tu as sûrement... rêvé... ? »

Et voilà qu'il me prenait pour une idiote à présent. Il croyait réellement que j'allais gober ça ? J'étais blonde, certes, mais pas dupe à ce point. Néanmoins, si cela pouvait le faire se sentir plus à l'aise, lui qui était un terrible menteur... alors cela ne me dérangeait pas de moi aussi mentir. Après tout, qu'est-ce que cela pourrait m'apporter de grave de raconter un mensonge ? Pas grand chose je suppose hormis de la déception. Un dégoût de moi-même. Enfin, ce n'était pas comme si n'avais pas l'habitude de me mépriser constamment. En fait, c'était même mon quotidien.

« Effectivement... je dois juste être vraiment fatiguée ! »

Mon propre mensonge me mit mal à l'aise, sans pour autant que je ne le montre. Malgré mon petit rire, le sourire chaleureux qui avait suivi le mouvement, quelque chose me trahissait. Mon regard, bien que caché derrière ma frange, parlait clairement à ma place et disait la vérité : j'étais déçue. Mais ça aussi, j'en avais l'habitude. Pas comme si je m'attendais à grand chose de la part de mon entourage, loin de là : après tout, ils finissaient tous par m'oublier, sans exception, peu importe où j'allais. Ce sont ces mêmes yeux écarlates qui étaient responsables de ce désastre, et je le savais.

Par dessus tout, je détestais ce sentiment qui s'emparait de ma poitrine à ce moment-là, cette culpabilité de ne pas avoir dit la vérité et d'avoir prétendu le croire. Finalement, peut-être qu'il disait vrai, peut-être avais-je halluciné tant mon espoir de trouver quelqu'un comme moi me rongeait. Si cela se trouvait, j'étais faite pour rester seule. Secouant très rapidement la tête, je chassai ces idées négatives de ma tête : non, je ne devais pas déprimer, pas maintenant... j'avais encore ce nouveau jeu à tester ! Et puis, j'avais bien vu : ses yeux avaient tourné au rouge l'espace de quelques instants !

« Ti...-tiens ! Ton paquet... »
« Oh, merci beaucoup. »

Sa réaction sur le coup m'amusa un peu. En effet, le voir reculer d'un pas puis avancer d'une même distance pour me rendre mon paquet était tout simplement... adorable ? Un peu comme un enfant venant de se faire gronder par l'un de ses parents ! Ou un chiot, ça correspondait aussi. Sans broncher évidemment, je repris le paquet et l'observai, le regard brillant à nouveau quelques instants. Maintenant vous êtes à moi, meringues ! Tremblez sous la puissance de mes dents ! Si j'avais été seule, je me serais permis de lâcher un long rire sadique digne d'un antagoniste de jeu vidéo... mais étant dans un lieu public, je devais me retenir.

Les rougeurs du jeune homme ne s'étaient pas calmées. Hey, il n'allait pas s'évanouir au moins, hein ? Je n'avais jamais fait face à ce genre de situation avant donc je ne savais pas quoi faire si ça arrivait ! Affichant une légère grimace d'appréhension sur mon visage, j'attrapai le boîtier de mon nouveau jeu encore emballé et l'agitai devant sa tête afin de lui faire un peu de vent. Sans hésiter, je pourrais dire que c'était le pire menteur que j'avais croisé de toute ma vie, et j'aurais même pu lui remettre la palme d'or du mensonge le moins crédible de tous les temps.

D'un côté j'avais envie de partir, mais de l'autre j'étais tiraillée par ma curiosité, qui me forçait à rester dans ce rayon alors que j'avais déjà ce dont j'avais besoin en ma possession. Soudain, un sourire malicieux s'empara de mes lèvres. J'avais été tellement déçue et je m'ennuyais tant qu'il fallait bien compenser un peu, non ? Et puis les mensonges ce n'était pas beau, et ça, j'allais lui faire comprendre... me prendre pour une folle, non mais oh. Je savais que j'étais tout de même un peu particulière dans ma façon d'agir et de penser, mais ce n'était pas une raison pour essayer de me berner.

« Simple conseil : reste honnête, le mensonge ne te va pas. Pour être plus clair... j'ai touuuut vu. Je sais très bien que je ne l'ai pas imaginé.~ »

Si j'étais revenue sur mes paroles, ce n'était pas pour ce que je m'efforçais de croire depuis plusieurs minutes déjà.. c'était juste que je me sentais seule à cause de ma capacité et comme les gens pouvant me comprendre étaient rares j'avais refusé de le laisser partir parce que je savais qu'en disant ça, il réagirait pour me faire croire le contraire. Égoïste, non ? Pourvu qu'il ne remarque pas mes véritables intentions... ce serait terriblement gênant pour moi si c'était le cas. Car oui, je n'assumais pas très souvent le fait que je déteste être seule : que voulez-vous, moi aussi j'ai ma fierté !

« Ce n'est pas drôle si je vide tout mon sac maintenant, si ? »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Si tu sais tout, pourquoi tu n'as pas eu peur ? »

Pourquoi, j'étais censée avoir peur ? Pourtant la seule chose qui avait changé, c'était la couleur de ses yeux... et les albinos existaient. C'était un manque de respect envers eux, de dire qu'ils pouvaient donner un coup de frayeur ! J'avais de la peine pour ces pauvres petits. Sans que je ne m'en rende compte, un léger rire s'échappa de mes lèvres, ayant trouvé sa réaction plutôt amusante bien qu'il soit sérieux à ce sujet visiblement. Néanmoins c'était plus fort que moi, je n'avais pas pu me retenir. Pourvu qu'il ne croit pas que je me moquais de lui, il ne manquerait plus que ça !

Devais-je lui dire la vraie raison pour laquelle je n'étais pas effrayée ? Non, attendre serait mieux... au moins lui dire une partie de vérité, ce serait suffisant. Cette raison pourrait étonner toute personne normale puisque cela ne collait pas à mon caractère, mais ce que je m'apprêtais à dire... bah je le pensais vraiment, et c'était comme ça que j'étais réellement. Cependant je fis mine de réfléchir afin de faire durer un peu le suspens, posant mon doigt sur ma joue en regardant.. la plafond. Oui, magnifique plafond, bien qu'un peu fade. Non sérieusement, je n'avais trouvé que ça à fixer ?

Après avoir reposé mon regard sur l'inconnu en face de moi, je constatai qu'il n'était plus aussi rouge qu'il l'était, voire plus du tout. Maintenant le doute était effacé, il avait eu un coup de chaud... dû au stress ? Cette pensée me fit un peu culpabiliser, car je le faisais probablement se poser tout un tas de questions à cause de ces yeux écarlates. Rangeant sans broncher mon jeu flambant neuf, je laissai ensuite apparaître un petit sourire gêné sur mon visage, plus mal à l'aise que quelques minutes auparavant. Du coup, je semblais beaucoup plus calme également.

« Je devrais ? Le rouge est une couleur comme les autres après tout. Et puis, j'aime ce qui sort de l'ordinaire, et les trucs d'horreur aussi. Mais... »

Pourquoi m'arrêtais-je ? Pourquoi ne parvenais-je pas à terminer ma phrase ? Je n'avais rien à cacher pourtant ! Cependant, il y avait un léger blocage... peut-être que je n'étais pas prête à en parler au final ? L'objet de mes fréquentes mésaventures, ce pouvoir de m'effacer de la mémoire des autres... mais si je le mettais en garde, il ne prendrait pas le risque de me regarder dans les yeux à moins de vouloir vérifier que je disais la vérité, non ? Cette idée m'effrayait et fit battre mon cœur à tout rompre. L'espace de quelques secondes, je serrai les poings, évacuant tout mon stress du mieux que je le pouvais.

Soudain, un petit rictus nerveux s'échappa de ma gorge. Non, je n'aimais pas cette sensation désagréable, que ça s'arrête.. ! Tout ce que je pouvais penser, je ne le montrais pas, me cachant derrière une façade qui représentait exactement l'opposé de mes inquiétudes. Pourquoi me voiler la face ? C'était inutile, ce n'était pas comme s'il allait se moquer de moi ou quelque chose de ce genre ! Il n'avait pas l'air d'être ce type de personne en tout cas, il n'y avait qu'à voir son agitation plus tôt pour comprendre qui j'avais en face.

Pendant quelques instants, je détournai mon regard vers la droite, affichant un air à la fois triste et pensif sur mon visage. Le masquant du mieux que je le pouvais derrière ma touffe blonde, je me concentrai ensuite sur ma respiration afin d'oublier mes tracas et de pouvoir récupérer ma joie naturelle. Non, déprimer, cela ne m'allait pas, j'étais faite pour rire et apprécier de nouveaux jeux vidéos ! Je devais sourire à tout prix ! Après m'être remise les idées en place, je redressai la tête comme si de rien n'était, affichant un large sourire plein de chaleur.

« Enfin, ce n'est pas bien important, ce n'est qu'un détail. »

Même si mon cœur me chantait encore de multiples "je me sens seul", mon cerveau avait décidé de penser autrement et d'exploiter toute la bonne humeur qu'il avait encore en stock, dans un coin réservé à ce genre d'occasions. Oui, il avait ce genre de fonction : surprenant n'est-ce pas ? Ou plutôt... époustouflant. Si seulement il pouvait être aussi réactif en matière de cours, je n'aurais pas tant de problèmes avec mes notes. Enfin, ce n'était qu'un problème secondaire ça, juste impossible à résoudre pour moi ! Tiens, en y pensant... je ne m'étais pas présentée, si ? Oh, Kaede la malpolie le retour. Il me fallait réparer cette erreur de script au plus vite.

« Au fait, je m'appelle Kaede. Kaede Haku. Enchantée ! Ça fait toujours plaisir de croiser des amoureux des douceurs. »

À ces mots, je pris tous mes paquets contre moi à l'aide d'un bras, tendant ma main désormais libre vers le jeune homme en guise de salut. Pourvu qu'il ne me mette pas un vent magistral... je n'avais pas l'air trop bizarre, si ? Peut-être trop directe. Que faire s'il refusait la poignée de main ? En plus c'était très masculin de faire ça ! Voilà que je me prenais pour un homme à présent. Enfin, pour l'instant il ne s'agissant que de détails mineurs : à l'idée d'avoir enfin rencontré quelqu'un comme moi, je me sentais soulagée, à tel point que je ne me rendis pas compte que, derrière ma longue frange dorée, mes yeux s'étaient teintés d'une couleur rouge sang.

« J'en ai assez... tout ça me fatigue. »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Kyo— »

Il avait accepté de serrer ma main, ce qui me retira un certain poids des épaules mais... il s'était arrêté en plein milieu de sa phrase, restant là à me regarder avec la bouche ouverte. Quoi, j'avais quelque chose sur le visage peut-être ? Perplexe, je fronçai les sourcils et le dévisageai un peu, me demandant bien ce qui pouvait lui passer par la tête. Hé ho, "Kyo-kun", on se réveille ! Je ne vais pas rester à te tenir éternellement la main moi, j'ai d'autres choses à faire aussi comme... comme... ne rien faire ? Bon d'accord, je n'avais vraiment rien d'autre à faire, et alors ? C'était mon quotidien, je m'y étais habituée après tout ce temps !

« Suis moi. »

Sa main avait agrippé mon poignet, et il s'était rapproché pour me murmurer cette phrase à l'oreille. Euh... non, je ne suis pas d'accord ? Je n'ai jamais approuvé que l'on m'approche d'aussi près ! Même si cela me gênait un peu parce que je n'avais pas l'habitude du contact humain, je me contentai d'hocher la tête avant de me faire entraîner dans une fuite subite, lâchant tous les paquets que j'avais dans les mains au passage. Où comptait-il m'embarquer maintenant ? Surtout : qu'est-ce que j'avais fait pour qu'il me "kidnappe" d'un seul coup, comme ça, sur un coup de tête ? Ce n'était pas spécialement effrayant mais plutôt... inattendu ?

Encore plus surprenant, il ne courait pas très vite pour un homme. Pas vraiment sportif visiblement... personnellement, c'était l'une des seules matières où je réussissais donc bon. Une fois sortis, il s'arrêta à côté du magasin dans un petit coin assez... désert ? Non... il n'allait tout de même pas.. ? Non non, c'était mon imagination, il n'avait pas l'air d'être un psychopathe, un meurtrier ni même un fugitif ! Il n'allait pas me faire de mal il semblait bien trop gentil pour ça. Brusquement, il me plaça en face de lui, semblant me fixer avant de me pointer du doigt, ou plutôt... mes yeux ?

« Ils t'ont trompé » et « Je les ai vus » furent les paroles qui résonnèrent dans mes oreilles. Mes yeux s'écarquillèrent sur le coup, mon cerveau cherchant à comprendre ce qui se passait exactement. Depuis quand mes iris étaient-ils colorés en rouge ? Pourquoi n'avais-je rien remarqué, et pourquoi maintenant ? Dire que tout allait bien jusqu'ici.. mais maintenant c'était terminé. Tout commença à s'embrouiller dans ma tête, me mettant dans l'incapacité de répliquer quoi que ce soit : je n'avais qu'une envie, fuir. Très loin. Me cacher et ne pas ressortir avant un certain moment.

Son doigt se baissa, et une certaine curiosité put se lire dans son regard. Il était peut-être intrigué par moi à l'instant présent, mais moi, j'étais presque morte de peur. Pour être honnête, je n'avais pas l'habitude de ce genre de situation... mais maintenant que j'y pensais, j'aurais dû m'en douter : une journée sans embrouille pour moi, Kaede, c'était louche ! Et là, j'avais eu ma dose pour au moins une semaine, voire un mois. Lui qui possédait également une capacité... comment pouvait-il vivre avec ? N'avait-il pas le même problème que je pouvais rencontrer ?

« Maintenant, raconte moi ton pouvoir ! J-... je veux savoir ! »
« N-Non ! Ne me regarde pas dans les yeux ! Tu ne dois pas ! »

Ma réaction ne se fit pas attendre. Prise par la panique je mis mes mains devant mes yeux en reculant de quelques pas, souhaitant pendant quelques secondes disparaître d'ici, me réveiller dans l'appartement de mon oncle comme si rien ne s'était passé. Quand serai-je prête à affronter la vérité, que j'étais un monstre qui n'était pas capable de rester dans la mémoire des gens ? À cause de mon regard plongé dans l'obscurité, je ne fis pas attention et finis par trébucher, tombant automatiquement sur les fesses. Pas comme si je n'avais pas l'habitude. Ce geste avait dû surprendre mon interlocuteur, qui ne devait certainement pas s'attendre à un tel refus de ma part. Mais qu'est-ce qui m'arrivait ? Ce n'était pas moi ça. Mon assurance s'était envolée, je n'avais plus aucune confidence.

Peur. J'avais peur. J'en tremblais même, et pourtant il fallait que je me reprenne. Maintenant que j'y pensais... son regard avait croisé le mien au magasin, non ? Et à la vue de sa réaction ils devaient déjà être rouges... alors pourquoi parvenait-il à se souvenir de qui j'étais ? Comment était-ce possible ? Presque au bord des larmes, je relevai la tête vers lui, l'observant d'un air incertain. Je pouvais lui faire confiance, non ? Probablement. Du moins, j'avais envie de lui accorder. Il était comme moi après tout, piégé avec un pouvoir dont il ne voulait peut-être pas.

« Désolée, désolée, je me suis un peu emportée... c'est juste que... »

Encore une fois, je m'étais arrêtée en plein milieu d'une phrase. Pourquoi ? Parce que j'avais senti une larme rouler sur ma joue, et que même moi cela me choquait. Wow, j'avais craqué à ce point ? Mais pleurer pour un rien, c'était pour les faibles, je ne devais pas ! D'un geste rapide et discret j'essuyai mes yeux, évitant à nouveau le regard de "Kyo". Il fallait que je ne le fixe pas regard dans regard, au-cas-où : n'ayant pas de preuve sur une possible immunisation, je ne pouvais pas courir le risque d'être oubliée, comme j'en avais tant l'habitude.

« Mon pouvoir est stupide. Il ne fait que m'attirer des ennuis... je ne peux jamais regarder les autres dans les yeux sinon ils m'oublient... non, c'est encore pire. Je disparais totalement de leur mémoire. Mais je suis habituée à être seule alors ça va. »

Retenant un soupir de détresse, je fis à la place un large sourire paraissant complètement naturel, mais qui était en réalité 100% forcé. Contrairement à ce que j'avais bien pu dire, je ne m'étais jamais habituée à la solitude, et je cherchais à la fuir constamment mais impossible de m'ôter de ses griffes : le même cercle vicieux se produisait, à chaque fois. Même si je prétendais être ok avec ça, la peine ainsi que la simple peur d'être effacée de la mémoire d'une personne supplémentaire me rongeaient au plus profond de moi. Malheureusement, j'avais bien trop de fierté pour l'admettre.

Plus les secondes passaient, plus je remarquais à quel point j'avais l'air pathétique, là, assise après une chute dont je n'avais même pas pris la peine de me relever. Cependant, je le fis quelques instants après, tapotant ma robe pour ôter toute trace de poussière encore visible. Finalement, j'avais réussi à reprendre mes esprits mais j'étais devenue calme... bien trop calme. En effet, j'étais préoccupée par une drôle de sensation que j'avais commencé à expérimenter, qui m'était nouvelle : lorsque je regardais le jeune homme en face de moi, je me sentais à la fois peinée et heureuse. Pourquoi ? Bonne question. Enfin, j'étais habituée à mes réactions bizarres.

« Merci de m'avoir trouvée... merci. »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Mais pourtant... dans le magasin? je t'ai regardé dans les yeux. Et... je ne t'ai pas oublié. »

Je le savais mieux que quiconque, moi-même j'avais été surprise par ça. Qui aurait cru que ma capacité pouvait ne pas fonctionner sur les autres personnes aux yeux rouges ? C'était incroyable. Impensable. Je ne pouvais pas me résoudre à me dire qu'ils étaient "immunisés". Non, un échec ne signifiait rien. Ce désir de m'enfermer et de m'éloigner du monde résultait de ma peur d'être oubliée, encore et encore, et ainsi de détruire mes espoirs et de meurtrir mon cœur, une fois de plus. Oui, j'étais un monstre, je savais que je n'étais pas tout à fait comme les autres mais... moi aussi j'avais des sentiments à protéger, de l'amour à offrir... comme n'importe quel humain.

« Et tu apprécies être seule ? »

La réponse était évidente... enfin pour moi surtout. Evidemment que non, je ne voulais pas être seule, je détestais ça. Mais d'un côté, je n'avais pas le choix : vivre entourée de personnes en ayant toujours la même crainte d'être oubliée, c'était impossible à supporter. Je ne souhaitais plus jamais entendre ce "qui es-tu" de la part d'un ami, ce qui m'était arrivé un nombre incalculable de fois. En guise de réponse, je secouai négativement la tête, n'ayant pas trop la force de parler pour l'instant. Il y avait comme une sorte de blocage dans ma gorge, peut-être à cause des sanglots que je retenais.

Sur mon cœur il y avait ce poids insupportable qui continuait de me peser au point de créer une douleur dans ma poitrine : le poids de la solitude. Non, je ne devais pas pleurer, j'avais un amour propre à soutenir... il fallait au moins que j'attende d'être à l'abri des regards pour me vider de ma tristesse une bonne fois pour toute, afin de reprendre un quotidien souriant habituel. Peut-être qu'un jour, j'allais vraiment m'habituer à ce pouvoir, et que j'allais pouvoir lui trouver un bon côté. Enfin, ne pas fondre en larmes devant lui était ce que je m'étais juré mais...

« Sache que tu n'es plus seul. Si je suis une des seules personnes qui peut se souvenir de toi, alors je me souviendrais. Désolé de ne pas mettre présenté, c'est la moindre des choses après tout. »

Immédiatement après cette phrase, toute cette impression d'être seule s'envola et j'eus l'impression que le monde autour de moi n'était plus aussi sombre que je pouvais le croire depuis quelques minutes. Cependant, mon champ de vision se flouta subitement, probablement à cause de mes émotions, celles qui m'inondaient à la suite de ses paroles. J'étais heureuse, soulagée d'entendre ça pour la première fois dans ma vie. Car oui, jusqu'ici, jamais personne ne m'avait dit ça à part lui : il était le seul. C'est pour cela que des larmes de joies avaient commencé à rouler le long de mes joues, me faisait étouffer un petit sanglot que j'avais peiné à retenir.

« Kyosuke Koyen, tu peux m'appeler Koyen ! »

Il m'avait tendu la main, comme je l'avais fait plus tôt au magasin. Pourvu qu'il ne panique pas en voyant pleurer ! Evidemment, au diable ma fierté, il fallait vraiment que je me lâche là... de toute façon, je n'aurais pas pu retenir mes émotions plus longtemps. Cependant je ne voulais pas le mettre mal à l'aise, mais c'était plus fort que moi, et mes yeux ne voulaient pas s'arrêter de couler à flots. Se souvenir de moi, hein... c'était une magnifique promesse que je ne pouvais pas ignorer. Et étrangement, je n'avais pas peur qu'il finisse par m'oublier lui aussi, quelque chose d'inconnu me rassurait.

Avec délicatesse, je serrai sa main, essuyant mes yeux à plusieurs reprises avec ma manche. Peu après, un large sourire se dessina sur mes lèvres. Pas comme celui que je forçais sans arrêt pour prétendre aller bien, non, celui-ci était vraiment naturel et reflétait toute la chaleur de mon cœur à cet instant présent. Ahh, combien de temps cela faisait-il depuis la dernière fois que j'avais été aussi heureuse ? Des mois, des années peut-être ? Jamais je n'aurais cru que cela puisse arriver à nouveau.

« Enchantée. Et... merci de m'avoir trouvée... Koyen. »

Ça pouvait paraître bizarre dit comme ça, comme si j'étais une petite fille qui aurait perdu son père ou sa mère dans un magasin mais... c'était tout ce que j'avais trouvé pour exprimer ma gratitude. Et d'ailleurs, je trouvais que ce n'était pas suffisant. Que pouvais-je bien faire de plus ? Soudain, quelque chose de très important me revint en tête : de base, nous étions tous les deux dans le rayon des gâteaux... non ? Et aucun de nous n'avait pu ressortir avec ne serait-ce qu'un paquet. En plus, mon ventre commençait à travailler sa voix afin de se faire entendre. En gros, j'avais faim.

Sans je n'y prête attention, mes iris avaient repris une teinte rosée, comme ils étaient supposés l'être d'ordinaire. Probablement parce que je n'étais plus agitée par ce qui m'entourait. Oui, ça devait être ça... et puis mes yeux rouges ne restaient jamais éternellement ! Serrant un peu sa main dans la mienne, comme pour me rassurer afin d'être certaine qu'il ne s'agissait pas d'un rêve et que quelqu'un avait enfin surpassé ma "capacité", j'affichai un air satisfait avant de la lâcher, faisant deux pas en avant de manière un peu plus enjouée que précédemment.

« Et si on allait acheter quelque chose à manger ? Après tout, aucun de nous n'a pu repartir avec un paquet de biscuits. Oh, et puis... »

Je m'étais arrêtée dans ma petite marche, lui faisant dos pendant un moment. Maintenant que mes esprits étaient revenus et que mon cerveau n'était plus aussi embrouillé, j'avais un ego à rattraper. Mais contrairement à d'habitude, je n'avais pas du tout envie de lancer un petit pic moqueur... j'allais donc me contenter d'un mensonge plus gros que moi, qui serait de toute manière découvert aussitôt : mais cela m'importait peu, puisque je ne faisais ça que pour satisfaire ma fierté quelques secondes. Me tournant vers lui, j'affichai un faux air renfrogné afin de masquer ma gêne.

« Que ce soit clair... je ne pleurais pas. J'avais simplement de la poussière dans les yeux. Compris ? »

Peu après, j'avais repris un sourire tout à fait normal. Même si je ne le connaissais que depuis très peu de temps, je me doutais qu'il n'allait probablement pas insister sur le sujet de peur de me faire pleurer à nouveau... non ? Finalement, verser des larmes ne faisait pas forcément de quelqu'un une personne lâche... et puis ça faisait du bien une fois que l'on avait vidé complètement la tristesse de son cœur. En l'occurrence ici, il s'agissait de mon cœur, celui du lapin d'ébène que j'étais. Peut-être que lui aussi, malgré lui, avait été touché par la gentillesse de Koyen après tout.

« Je suis vraiment contente d'être sortie finalement. »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

Evidemment comme je m'en doutais, il avait compris que j'avais effectivement pleuré. Et même si cela me semblait évident, ma fierté en avait pris un coup et j'avais inconsciemment pris une moue boudeuse, étant obligée de me cacher derrière ma touffe de cheveux blonds le temps que ça se calme. Néanmoins, j'étais certaine que ça, il ne l'avait pas remarqué. Comment ? Bonne question. Mon instinct féminin infaillible, bien entendu ! Ou alors c'était simplement mon cerveau qui s'efforçait à croire qu'il avait eu raison pour la première fois depuis le début de son existence, ce qui n'arrivait qu'à de rares occasions dans sa vie. Je sais, l'auto-dérision, c'est cool.

Une fois de retour au magasin, je remarquai rapidement les regards pesants des vigiles sur Koyen. En même temps pas étonnant, il m'avait embarquée en m'entraînant par le poignet et en courant... pour ceux hors-contexte, ça pourrait presque ressembler à un kidnapping ! Mais au lieu de ça, il m'avait aidée, bien que cela puisse avoir l'air d'être autrement. Bah, ce n'était pas comme si je n'étais pas habituée aux situations étranges après tout, hein. Pour être honnête ça remplissait mon quotidien, car moi-même j'étais parfois un peu bizarre.

Après notre comeback dans le rayon, je me mis à chercher le paquet de meringues que j'avais remarqué plus tôt, dans l'espoir de pouvoir le prendre. Mon regard se balada alors sur les différents produits encore présentés dans l'attente d'être achetés puis dévorés jusqu'à la dernière miette, éveillant davantage mon appétit. Ahh, si seulement j'avais assez d'argent pour tous les acheter ! Rien qu'à les observer de la sorte faisait gargouiller mon ventre et me faisait presque saliver. Seulement, je le savais, je devais faire un choix... mais pourquoi était-ce si dur ?! Mon cœur s'en déchirait, j'étais plongée dans un profond dilemme qui tournerait probablement en...

« Tu prends quoi toi ? Si tu veux on peut manger ensemble au parc après ! Sauf si tu as quelque chose de prévu, je peux comprendre ! »

« Tragédie. » lâchai-je finalement.

En fait, je n'avais pas réfléchi pour la simple et bonne raison que, par réflexe en entendant la voix de mon camarade, j'avais répondu mais en disant ce que je pensais à ce moment-là : mon dilemme cornélien face à ces délices de la vie. Le regard encore perdu l'espace de quelques secondes, je me tournai vers lui, mon cerveau se mettant à analyser progressivement ce qui venait de se passer, soit ses paroles puis mon seul et unique mot en guise de réponse, qui n'avait absolument rien à voir. Quand le tout fut étudié, j'eus d'abord l'air hébétée avant de me mettre à bégayer.

« N-Ne te méprends pas ! Je... je réfléchissais juste à... à voix haute. »

Certainement à cause de la honte, je sentis le rouge me monter rapidement aux joues. Wow, il faisait chaud ici, peut-être même un peu trop. Dans un acte désespéré, je me remis à fouiller parmi les variétés de biscuits présentes, la moitié m'échappant des mains à chaque fois. Finalement, mon choix s'arrêta sur des chocolats... parce que c'était super bon les chocolats ! Aucune autre raison n'était nécessaire. J'attrapai le paquet et le serrai contre moi, faisant de même avec celui de meringues qui, par chance, n'avait pas été pris par une autre personne que moi. Je pense que si quelqu'un s'en était emparé, j'aurai pu déprimer.

Si j'avais réussi à trouver mon bonheur, je ne parvenais cependant pas à me calmer convenablement. Stupide, j'étais vraiment stupide d'avoir parlé sans réfléchir, à dire tout haut un mot que je devais penser tout bas. Surtout qu'en plus, même s'il n'avait rien à voir avec le contexte, il coïncidait parfaitement avec la situation et pouvait même être catégorisé en tant que réponse possible. Ce genre de problème me rappelait exactement celui qu'on pouvait rencontrer dans un otome, où notre réponse peut tout faire basculer. Et là, à l'évidence, j'avais complètement foiré... et même pas une sauvegarde de disponible pour pouvoir recharger ! La poisse.

« Je prends ça. Et pourquoi pas pour le parc... ça peut être amusant, de plus je n'ai rien de mieux à faire. »

Enfin, j'avais mon nouveau jeu à tester. Mais pour une fois que je pouvais me faire un ami, j'allais tenter de me créer une vie sociale, chose que je n'avais pas jusque là ! Un petit pas pour l'Homme, un grand pas pour Kaede. Je savais que j'étais capable de chambouler un peu mes habitudes, surtout que c'était pour mon bien ! Au diable la solitude et la peur, il allait bien falloir que je me décide à accepter le fait que tout ne résidait pas autour de ce monde pessimiste que je m'étais toujours efforcée à observer, comme pour me sentir misérable un bon coup. Maso ? Sûrement pas. Juste un peu débile sur les bords, c'était tout.

Après avoir repris mon calme le plus absolu je me mis à agir comme si de rien n'était, observant le brun à l'occasion. Il semblait avoir choisi ce qu'il voul-... des cookies ?!Il avait de bons goûts en plus. Sans aucun doute, nous allions nous entendre. Enfin, toute personne aimant la nourriture est sympathique ! Et puis les cookies quoi... c'était juste un pur délice ! Ahh, si j'avais été seule, je ne me serais pas gênée pour baver devant ce paquet. Oui, j'avais beau me répéter qu'il fallait que je soigne un peu mon apparence, j'avais un manque de grâce énorme lorsque l'on en venait à parler de manger.

« Bon, eh bien, allons-y ! »

Avec entrain, je me dirigeai vers le comptoir afin d'aller payer pour ma nourriture, prenant les avants avant de me souvenir d'un détail important que je n'aurais pas dû omettre : si c'était moi qui ouvrais la marche, nous allions à coup sûr nous perdre, parce que moi et mon sens de l'orientation en mousse... en plus, je n'avais aucune idée d'où pouvait se trouver le parc, j'avais dû passer une fois devant de toute ma vie, rien de bien remarquable, vraiment. Après avoir déboursé les quelques yens que j'avais encore en poche, j'attendis sagement qu'il termine de son côté, même si au fond j'étais impatiente à l'idée de me gaver comme une oie.

« Direction : Vie Sociale ! »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Regarde là bas, il n'y a personne, Allons-y. »

Serait-ce... la chance qui me souriait enfin ? En effet, d'un geste de la tête, Koyen venait de désigner une caisse où il n'y avait absolument personne. Comme c'était la première fois que je voyais ça de ma vie, forcément, il fallait que je réagisse de manière un peu trop intense : mon regard se mit à pétiller à la vue de ce mystère de la vie, qui était "Pourquoi les caisses sont toujours occupées". Enfin, autant en profiter ! D'un pas vif, je me mis à suivre mon camarade, redoutant cependant quelque chose ayant un impact important sur ma vie. Ou peut-être pas, j'exagère là. Mais bon, quelque chose allait effectivement se dérouler.

Sous peu, il y aurait une bataille acharnée entre moi, Kaede, et cette vendeuse complètement blasée par la vie. Pourquoi ? Parce que j'avais eu assez de problème avec des vendeurs et des vendeuses comme ça dans ma vie ! Je n'allais pas laisser ce genre de problème se reproduire, ah ça non. Parce que me faire oublier et devoir payer deux fois la même chose, j'en avais plus qu'assez. Et puis, celle-ci semblait une victime potentielle de ma capacité, c'en était même presque évident. Mais je ne comptais pas laisser un tel événement se produire !

Lorsque Koyen termina de payer ses achats, ce fut mon tour : ceci déclencha alors la lutte de regards qui s'avérait plutôt rude... ou pas. En fait, aucune de nous deux ne regardait l'autre, comme si l'on souhaitait fuir la réalité alors qu'elle était en face, sous notre nez. À croire qu'elle voulait faire un concours de celle qui avait eu la pire journée... et évidemment, j'allais perdre ! Sauf que moi, perdre, j'avais horreur de ça. Si j'avais été seule, j'aurais certainement fini par gâcher ma joie du jour. Me contentant d'un simple "bonjour" et d'un "au revoir", je ne daignai qu'au dernier moment lever la tête vers la vendeuse, lui adressant un petit sourire timide.

« Je ne sais pas si il y a beaucoup de monde au parc... Si il y a trop de monde, ça te dérange pas d'éviter ce lieu ... ? »

Evidemment, je savais pertinemment pourquoi il me disait ça. Je n'étais pas stupide. Après l'avoir rejoint, je lui adressai à lui aussi un faible sourire, regardant ensuite mes achats d'un air pensif. Sa capacité, tout comme la mienne, pouvait créer de nombreux problèmes, mais d'une source différente et avec un impact tout aussi variable. Alors qu'il pouvait faire voler des objets dans tout les sens ce qui devait attirer les regards sur lui, moi je me faisais oublier des gens dès que nos yeux se croisaient. Bref, dans tous les cas ces yeux rouges étaient un fardeau quand on était dans l'incapacité de les contrôler. Peut -être qu'un jour, j'en serai capable ?

« Je ne sais pas non plus. On peut toujours aller jeter un coup d'œil au moins, afin d'être fixés. »

Tout comme cela avait dû lui faire plaisir -car je l'avais vu sourire au moment où j'avais accepté son invitation-, j'étais plutôt contente de pouvoir, pour une fois, aller quelque part avec une autre personne que mon oncle. Néanmoins, avec le temps, j'avais commencé à avoir du mal à maintenir une conversation avec quelqu'un : ça allait probablement me revenir au bout d'un moment, non ? Et puis, au pire, je n'avais qu'à simplement répondre à ce qu'il me disait et... non Kaede, non. Ce n'est pas comme ça qu'on se socialise. Ce n'est pas aux autres de faire tous les efforts alors que toi, tu te reposes sur tes lauriers !

Punition de mon propre cerveau, qui arrivait à penser deux choses différentes et opposées à la fois. C'était bien d'ailleurs le seul truc dont il était capable, en gros il était inutile à souhait. Fainéant. Parasite. Pendant ce temps de dispute cérébrale, mon estomac prit les rênes et commença à donner des ordres à mon organisme, ce qui fit que le geste l'emporta sur l'intention : je me mis à piocher avidement dans la nourriture que je venais tout juste d'acheter, incapable de m'en empêcher. J'avais faim, et quand je pensais trop longtemps, ça m'affamait encore plus.

Quand je m'en rendis compte, il était déjà bien trop tard : l'emballage était défait, et j'avais déjà du chocolat dans la bouche. D'un air blasé, je retirai lentement ma main du paquet, essuyant toute trace de mon crime qu'il pouvait y avoir autour de mes lèvres. Moi, avoir commencé à manger ? Noooon, sûrement pas enfin ! Jamais je n'oserai. Stupide Kaede, stupide ! Décidément, tu n'en rates pas une, tu n'es même pas foutue de résister aux appels de ton ventre et à la tentation des sucreries. Et bien Cerveau, va gentiment voir ailleurs si j'y suis. Oui, j'étais forte lorsqu'il s'agissait de créer des dialogues dans ma tête visant l'auto-dérision.

Visiblement, il avait eu raison : le parc était rempli de gamins jouant avec leurs parents les surveillant, ce qui n'était pas très sûr avec des personnes comme nous dans les parages. Que faire ? Je n'avais pas la moindre idée d'où aller moi ! C'était à peine si je connaissais le coin... j'étais venue ici une seule fois dans ma vie, et même si cela faisait plusieurs années que je vivais dans cette ville, je n'en connaissais toujours pas les lieux principaux. Enfin, je n'arrivais pas à les retrouver du moins. Raaah, mais pourquoi avait-il fallu qu'il y ait autant de monde ?! Dans la partie du parc où j'étais la dernière fois, il n'y avait per-... oh.

« ... suis-moi !»

Je n'avais même pas attendu qu'il réagisse. Mettant toutes mes friandises sous un bras, j'attrapai celui de Koyen avant de me mettre à courir à toute vitesse. Oui, je savais ! Je savais où aller ! Le coin où j'étais allée la dernière fois était totalement déserté pour je-ne-sais-quelle-raison, mais au moins, nous étions certains d'avoir la paix et on ne risquait pas de semer le trouble avec nos capacités. Kaede : 2, Cerveau : 8. J'allais bien finir par le dépasser un jour ! Maintenant, il ne me restait plus qu'à espérer que l'endroit où je l'emmenais était toujours aussi désert. Je l'espérais, vraiment, du fond du cœur car avoir traversé en courant toute cette foule de personnes avait déjà été un risque énorme en soi.

« Tadah ! Nous sommes arrivés à destination. »

Alors que je disais cela, un air ravi s'afficha sur mon visage : j'étais satisfaite de constater que mon petit coin de paradis n'était pas occupé. Pas un chat à l'horizon, le pied ! Lâchant aussitôt le bras de mon ami, je me précipitai sous un arbre dans le but de m'étaler comme une vieille chaussette en-dessous avec pour motivation supplémentaire de m'empiffrer jusqu'à que mon ventre n'explose. Bien entendu, ce serait assez difficile quant à l'appétit que je pouvais avoir, parfois. Je posai alors les chocolats et les meringues à côté de moi, invitant d'un geste de la main Koyen à se servir comme bon lui semblait. Bah oui, c'était normal de partager au fond.

« Dis dis dis, ce sont quoi ces yeux rouges ? »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Aaaah... Je ne connaissais pas cet endroit. Il est plutôt sympa ! Puis c'est mieux qu'il y ai personne, si mes yeux s'activent par malheur... ça risque de ne pas être jolie jolie. »

Oh ? Déjà essoufflé ? Pas très sportif le Koyen ! Face à son relâchement, et aussi à cause du fait que j'avais imaginé la scène de l'activation soudaine de ses yeux en présence d'une importante foule, je me retins de rire, tournant la tête sur le côté pour éviter qu'il puisse le remarquer. S'il me voyait comme ça, il allait croire que je me moquais de lui ! Mais heureusement, il avait fermé les yeux pour pouvoir se détendre un peu. Tant mieux, ça me laissait le temps de me calmer un minimum avant de lui faire à nouveau face. Une minute de silence s'installa entre nous, avant que celui-ci ne soit interrompu par le bruit de l'ouverture d'un paquet. Surprise, je tournai la tête vers Koyen pour me rendre compte qu'il me le tendait.

« Tu en veux ? »
« Avec plaisir, merci. Sers-toi aussi dans mes paquets si tu veux hein, n'hésite pas. »

Délicatement, j'attrapai quelques friandises du bout des doigts, m'allongeant dans l'herbe avant de manger tranquillement. Aussitôt, mon regard se mit à briller : tellement, tellement bon ! Avais-je rejoint le paradis ? Ou alors quelque chose qui s'en rapprochait ? Je faisais ce que j'aimais le plus : flemmarder tout en me gavant de sucreries... que demander de plus ? La vie était magnifique. Je pouvais mourir en paix... quoique. Je n'avais pas encore goûté le meilleur. Ce pour quoi je m'étais battue -enfin dans mes rêves, ce n'était pas si épique en réalité- : mes meringues. J'ouvris alors le paquet non-entamé et...

« Ouch. »

Comme une idiote, je n'avais pas pris le soin de me redresser pour l'ouvrir, et une meringue venait de s'écraser sur mon visage. Pendant environ une bonne trentaine de secondes je restai comme ça, avec la friandise sur le front : il me fallait le temps de comprendre ce qui venait tout juste de se passer, parce que là; mon cerveau avait quelque peu décroché de la réalité alors c'était dur d'y revenir. Arrivée de l'information dans la matière grise dans trois... deux... un... zéro. Mon geste fut ensuite très rapide : j'attrapai la sucrerie et la mangeait, boudant un peu parce que j'avais réussi à blesser ma fierté toute seule. J'avais honte de mes conneries parfois, vraiment.

En espérant que Koyen ne se moque pas de moi à cause de ça... tout mais pas ça ! Sinon j'allais certainement virer au rouge tomate parce que bon, mon ego risquait d'en prendre un sacré coup. Bah, au pire, ce n'était pas comme si je n'avais pas l'habitude de me taper la honte en public... ce genre de choses, ça m'était arrivé plus d'une fois dans la vie même si m'en rappeler ne me faisait pas tant plaisir que ça. Quel genre ? Simple. Par exemple, se manger une baie vitrée dans un magasin, ou encore m'endormir à moitié debout et hurler tout haut une phrase d'un jeu vidéo. Ringard, mais malheureusement réel. L'avouer tout haut me ferait vraiment mal.

Allongée dans l'herbe, je levai le nez vers le ciel, arrêtant de manger l'espace d'un instant. C'était la première fois qu'il me paraissait si coloré... si magnifique. Un bleu clair splendide, que je n'avais jamais remarqué avant. Était-ce parce que j'étais heureuse ? Oh oui, probablement. Pourvu que le vieux ne me demande pas de rentrer maintenant... il y avait tellement de choses dont je voulais parler maintenant, tant de questions que je me posais à son sujet. Ce jeune garçon rencontré plus tôt, qui était devenu mon premier ami et qui avait été le premier à résister à mon pouvoir.

J'appréciais la légère brise de vent qui balayait mes cheveux, ça me faisait oublier l'étouffante chaleur qu'il y avait en réalité. Je me sentais à la fois si détendue et pleine d'énergie, ce qui était un peu étrange. Je me serais bien assoupie à cet instant si je n'avais pas toutes ces interrogations qui me hantaient sans arrêt l'esprit. Et puis, le silence commençait à me peser. Allez Kaede, maintenant que tu as un ami, essaie au moins de ne pas le laisser faire toute la conversation ! Je pouvais le faire, je savais que j'en étais capable ! Avalant un peu d'air, j'ouvris la bouche comme pour parler, mais aucun son ne sortit.

Oui, je restais là comme une sombre idiote. Parce que j'avais tellement de choses à demander que je ne savais pas par quoi commencer. Lentement, je refermai la bouche après avoir engloutit une meringue, assez frustrée de ma propre bêtise. Décidément, je les enchaînais ce jour-là, à croire que mon idiotie voulait me pourrir la journée. Et voilà, j'étais encore là à m'insulter mentalement et à passer pour une andouille, pourquoi, parce que je n'arrivais pas à parler correctement. Le manque de vie sociale m'avait-il affecté à ce point depuis le temps ? Désolant. Oui, j'étais désolante, voire même pire...

« Ahem... Koyen ? »

Désespérante. J'avais galéré juste pour prononcer son nom. J'étais quoi moi, une héroïne de shojo incapable de s'affirmer ? Pfuuh, depuis quand étais-je aussi faible ? Depuis toujours ma petite. La ferme, conscience inutile. Je refusais de croire que la solitude avait pu me rendre aussi.. timide ? Ouai, c'était le mot parfait. Pourtant j'avais déjà eu des amis auparavant. Certes, ils m'avaient tous oubliée, mais peu importe ce n'était qu'un détail ! J'avais souffert par le passé, mais maintenant ça allait mieux. Et puis, j'avais un nouvel ami ! Comme si elles répondaient à mes émotions, je sentis quelques mèches de cheveux se dresser sur ma tête : certainement le vent, encore une fois.

« Tu avais l'air curieux à propos de ma capacité tout à l'heure. Alors ça te dérangerait de parler de ces yeux ? »

Je disais ça mais en réalité, j'étais probablement la plus curieuse d'entre nous. Pourquoi ? Parce que je n'avais jamais croisé quelqu'un avec des yeux rouges comme moi auparavant, alors cela m'intriguait. Je voulais en savoir plus sur ceux-ci; je voulais en connaître plus sur lui. Seulement, je ne me sentais pas capable de le demander directement parce que ça me gênait. La raison de cette réaction m'était inconnue mais bon, tant qu'on en parlait et que j'en apprenais un peu plus, ça m'allait. Si en plus je pouvais apprendre quelque chose pour pouvoir contrôler ce pouvoir et ne m'en servir que dans les moments où j'en aurais vraiment besoin, ce serait génial ! Bien que Koyen lui-même ne semblait pas savoir maîtriser le sien... dommage.

« Désolée, je dois déjà m'en aller ! »

Koyen Kyosuke & Kaede Haku

« Euhm... oui oui. J'étais curieux parce que je trouve ça assez fascinant d'un coté... ça peut être flippant mais c'est quand même fascinant je trouve... Tu as des questions particulières ? »

Fascinant ? Qu'est-ce qu'il pouvait trouver de fascinant là-dedans ? Moi, ça me faisait extrêmement peur ! Pourtant, je n'étais pas du genre trouillarde hein... quoique. J'avais bien des peurs carrément gamines dont personne n'était au courant, et que probablement personne ne saurait. Pas même après ma mort, parce que sinon je sortirai de ma tombe pour les tuer. Et si j'avais des questions ? Et bien, pas une qui me vienne à l'esprit mais autant réfléchir un peu, au-cas-où... que je ne regrette pas d'avoir laissé échapper une occasion pareille. Cependant, même en y songeant avec précaution, rien ne me venait à l'esprit. Peut-être que rien ne m'échappait finalement ? Ce serait une première tiens !

« Moi ça me fait plus peur que ce que ça peut me fasciner... c'est assez flippant de se faire oublier chaque fois qu'on croise le regard de quelqu'un. Par contre pour la partie questions... »

Du coup, je continuais de manger : remplir mon estomac m'aiderait certainement à entrer en contact plus facilement avec mon cerveau après tout. Alors je piochais, dans tous les paquets à ma disposition, comme si ma vie en dépendait. Enfin, c'était un peu l'impression que je dégageais quoi ! J'en étais consciente mais cela ne me faisait pas me stopper pour autant. Avais-je gagné assez de confiance en lui pour me permettre de me gaver comme une oie sous ses yeux sans avoir honte ? Wow, c'était rapide. Il fallait avouer qu'il dégageait une sorte d'aura rassurante en même temps. Je me sentais vraiment à l'aise, au point de ne plus me voiler la face... je ne cachais même plus mes yeux, ce qui était un exploit en soi ! J'étais fière de moi. Et surtout contente d'avoir trouvé quelqu'un en qui je pouvais avoir aveuglément confiance.

La seule question qui pouvait me venir à l'esprit -ou surtout qui n'avait pas encore quitté ma tête-, c'était par rapport à ces yeux rouges. De quoi il s'agissait, s'il en avait vu d'autres... car visiblement, chacun semblait avoir sa particularité. Peut-être que quelqu'un savait aussi comment apprendre à contrôler ce pouvoir ? Oh, ce serait tellement génial ! Au moins, je pourrais ne m'en servir que dans les moments où j'en aurais besoin ! Mais c'est bien beau de rêver... si seulement je pouvais avoir la chance de croiser une personne en étant capable. Et surtout, qui accepterait de m'aider ! Parce que moi, j'étais un peu désespérée et me cacher le restant de mes jours ne me plaisait guère. J'entrepris alors de poser les questions qui me torturaient un peu l'esprit, espérant avoir une réponse précise.

« Et bien, je me demandais si-... »

Une vibration provenant de mon portable me coupa en pleine phrase. Blasée, me disant que cela ne devait être qu'un de ces spams fréquents, je décidai de l'ignorer et de continuer sur ma lancée.

« si tu-... »

Une deuxième vibration. Puis une troisième quelques secondes après. Commençant à avoir de sérieux doutes, je fis une très large grimace et attrapai l'engin électronique dans ma main, fouillant dans ma boite mail. Wow. Mon oncle ? C'était rare qu'il m'envoie des messages. Généralement c'était moi qui lui en envoyais quand je me perdais. Je les lus donc très attentivement, persuadée qu'il avait un problème : cependant quand je compris le motif de ses messages... j'éclatai de rire d'un seul coup. Sérieusement, il se faisait du souci pour moi tout ça parce que je n'étais pas à attendre devant le seuil de la porte comme un chien battu à l'heure à laquelle je pouvais à nouveau entrer dans l'appartement ? Il était vrai qu'habituellement c'était ce que je faisais pour pouvoir aller jouer aux jeux vidéos mais bon...

Maintenant que je m'étais faite un ami, forcément je n'avais pas vu le temps passer... et j'avais pensé à autre chose qu'à m'enfermer dans ma chambre afin de passer mes soirées à geeker ! Mais comme il n'était pas au courant, il ne pouvait pas le savoir ça. Ces messages comme "Où es-tu ?" ou "Tout va bien ?!" me réchauffaient le cœur, et cela me rappelait que même si j'avais un pouvoir pour le moins encombrant, j'avais tout de même une personne qui m'attendait avec impatience à la maison et qui était capable de s'en faire pour une fille comme moi. Vraiment, j'étais heureuse de l'avoir. C'était d'ailleurs pour cela que je ne voulais pas le faire attendre plus longtemps, parce que je ne souhaitais pas qu'il meurt d'angoisse.

Je me levai donc et m'étirai comme un chat, attrapant un morceau de papier dans mon sac avant d'y griffonner quelque chose. Une fois ceci fait, je me tournai vers Koyen avec un léger sourire mais plein de chaleur, déposant le bout de feuille dans sa main avant de ramasser mes paquets de gâteaux. Je ne me le redirais jamais assez, mais j'étais réellement heureuse d'être sortie ce jour-là car j'avais alors pu faire une merveilleuse rencontre, qui m'avait permise de changer un peu mon point de vue par rapport à ces yeux rouges, mais aussi par rapport au monde. Il me paraissait moins gris, et je m'étais rendue compte que même si j'étais le lapin noir que presque tout le monde oubliait, j'avais toujours des gens sur qui je pouvais compter.

« Désolée désolée, je dois y aller ! Mon oncle s'inquiète parce que je ne suis pas en train de clapir devant la porte d'entrée. »

Avançant de plusieurs pas m'éloignant ainsi de l'arbre avec ma nourriture et mon jeu fraîchement achetés, je me retournai l'espace d'un instant en regardant le brun avec un air malicieux, lui faisant de très grands signes de main. Toute ma timidité s'était subitement envolée, sans que je ne sache trop pourquoi. Peut-être justement grâce à ce sentiment d'aise parce qu'il était comme moi, et qu'il me donnait l'impression de pouvoir m'aider à supporter le poids de cette capacité qui m'avait été imposée ? Très certainement. Même si je partais prématurément, je n'avais pas envie que cette rencontre s'arrête là... c'était pour cela que sur le morceau de papier, j'avais écrit mon numéro de téléphone. Wow, première personne dans les contacts à part ton oncle ! Bravo Kaede ! Sur ce geste, je partis finalement du parc, rentrant chez moi avec l'esprit léger.