relecture ••• mitsuki & akira

Ahh, le lycée. T'as dû y aller une dizaine de fois depuis le début du mois, mais bizarrement, tu t'arranges toujours pour venir les jours où y'a contrôle. Le karma, le karma. Tu soupires en t'asseyant sur une place au hasard, une libre et pas trop proche du tableau, ça te gêne d'être proche du professeur pour x ou y raison, puis quand t'es devant, tu sais pas on te regarde vraiment-- du coup tu te sens observé pendant tout le cours et c'est assez dérangeant. Le cours démarre normalement, comme d'habitude, avec quelques bavardements habituels dont tu ne prêtes pas attention. Tout ce que tu fais, c'est remplir les carreaux de ton cahier à coup de crayons gris. On dirait pas comme ça mais c'est drôle à faire, ça fait passer le temps en général. Tu jettes un coup d'oeil discret à tes voisins, où du moins aux personnes autour de toi. En face de toi, Kunibaya Shi, il a redoublé et apparemment c'est un peu la racaille de la classe. T'en sais pas plus et t'as envie d'apprendre quelque chose de sa part, t'as pas envie de t'aventurer sur ce genre de terrain. A sa droite, Nakakiyo Mitsu. Il a rien de spécial, c'est un élève ordinaire... Tu l'as juste retenu parce que t'es obligé de retenir tout et n'importe quoi. Il s'entend bien avec les professeurs par contre, peut-être que c'est un genre de fayot? Tu tapes le bout de ton crayon contre le cahier, comme si tu réfléchissais, en continuant d'examiner tes alentours. Derrière toi, Morikami No, l'archétype du gentil garçon un peu trop stupide et qui se fait manipuler trop facilement. A ta gauche, Kuninori Shi, une fille un peu trop naïve mais qualifiée d'adorable par les autres. Tu lui as jamais parlée... Et tu comptes pas le faire.

A ta droite, Hyashiro Mitsuki. Tu sais pas grand chose sur lui (comme pour tout le monde en fait). Apparemment, il se prend pour un justicier? Quand il tombe sur quelqu'un qui se fait tabasser, il le sauve, tel un super-héros. Ça te fait doucement sourire, et tu poses ton dos sur le dossier, n'ayant pas le courage de rester bien droit. Sauf que tu te détends trop brusquement et tu grimaces un peu quand tu te souviens de tes hématomes au dos. T'as entendu dans les couloirs qu'il peut être franchement désagréable... N'empêche qu'il protège les faibles, c'est bien, c'est pas courant. T'en vois pas souvent, des gens comme ça. Enfin, jamais, même. Tu souris doucement. Protéger les faibles, hein... Tu continues de remplir toutes les cases de ton cahier. Y'a vraiment rien d'écris dessus, tu te contentes de lire ce qu'il y a pour apprendre, c'est le seul point positif de ton truc là— ton pouvoir. Au moins, tu passes plus tes soirées à relire encore et encore la même chose qui ne rentrait jamais dans ta tête, c'est un avantage comme un désavantage en fin de compte. Ça fait quoi, trois ans que t'as pas réussi à oublier quelque chose? C'est limite si t'as oublié le principe d'oublier. Tu soupires intérieurement, limite rigolant de ta connerie.

La sonnerie retentit et le professeur ne tarde pas à remballer ses affaires, les élèves profitant d'un temps libre pour bavarder et échanger qui-sait-quoi. Sans toi, évidemment. Tu te contentes de continuer à ne rien faire. Parfois, tu comptes les plaies et les cicatrices. Quand tu bats ton record, t'es content, et tu te rends compte que c'est pas très sain d'esprit alors tu déprimes discrètement. Un, deux, trois... En trente secondes, t'arrives déjà a en compter une vingtaine, c'est plutôt pas mal! Sauf que t'entends quelques élèves murmurer que le prochain cours était un contrôle bilan... Merveilleux.  C'est quoi déjà? Ah ouais, japonais ancien. Ça fait trèèèèèès longtemps que tu n'as pas assisté à un de ces cours et idiot comme t'es tu vas pas y arriver et ça va te déprimer un peu plus. Enfin, au point où t'en es... Un coup d'oeil discret autour de toi te faire remarquer que ton voisin de droite, Hyashiro Mitsuki, donc, est, lui aussi, tout seul à ne rien faire. Il ne semble pourtant pas être le genre de personne à rester seul dans son coin... Il est si détestable que ça? « U-Um... Hyashiro...san? » T'essaies d'engager la conversation mais t'as peur de te faire méchamment remballer. « Tu pourrais me prêter ton cahier de japonais pour que je lise la leçon? S'il te plaît... » Tu murmures alors qu'aucun prof n'est là, t'es libre de parler comme tu veux mais t'as juste un tout petit peu envie de te faire petit histoire de ne pas trop l'énerver ou qui-sait-quoi.

Il soupire et tu te contentes d'attendre silencieusement. Il ne semble pas vraiment pour... Á quoi bon, après tout. Le lycée, c'est pas aussi simple que ça, lire les notes d'un camarade juste avant le contrôle, sans avoir été là en cours pour comprendre le cours et tout ça... Puis si ça se trouve, il n'a rien aussi, c'est pour ça que ça l'embête. Toi, tu t'en fiches, t'as juste besoin d'informations à retenir puis voilà. « C'est tout ce que tu trouves à dire car tu n'as pas envie de rester là à ne parler à personnes ou alors mon cahier t'intéresse vraiment ? » « --Huh? » Tu dis souvent ça, "huh?". Parce que t'es sacrement stupide,  tu comprends que dalle alors qu'en fait, l'explication est simple: tout le monde te déteste. Pourtant, tu devrais avoir l'habitude, qu'on te déteste-- déjà parce que la vie en elle est pas sympa envers toi. Mais là, pour le coup, tu comprends pas vraiment. C'est parce que t'es toujours tout seul qu'il dit ça? Bah, tu te serais probablement dit la même chose si tu serais à sa place-- quoique toi, qu'on essaie de t'accoster comme "tu le fais" (ce qui n'est pas ton cas, t'as vraiment besoin de ses notes), ça serait vraiment bien, toi qui a toujours été vraiment nul en socialisation. Tu baisses les yeux. C'est la dernière fois que t'essaies de socialiser, que ça te serve de leçon, tiens. Tant pis pour tes notes et ton diplôme. C'est de toute façon très peu probable que tu atteignes l'âge adulte, considérant tes loisirs actuels. La vie professionnelle comme ça, ça semble tellement, tellement loin, peut-être même impossible à vivre. « Non... » tu réponds encore plus doucement qu'avant. T'as pas l'air si désespéré que ça, si?

Tu détournes le regard pour observer tes notes, qui se résument en feuilles colorés pratiquement parfaitement. Si ça se trouve, c'est un talent! De pouvoir remplir des feuilles de crayons, ouais... Tu soupires intérieurement. Si tu précises pas pourquoi t'as besoin de ses notes, il va pas te laisser les prendre, hein? Quel dommage ça serait... Mais t'avais qu'à être là, de toute façon, et puis tant qu'à faire t'aurais dû essayer un truc génial: la socialisation. Quand on a passé dix-sept ans de sa vie à attendre que quelqu'un vienne te sauver, ben là pour le coup, t'es un peu dans la merde. Surtout que t'as pas forcément envie de revivre le même genre d'événements que la triste fin de Chiaki: tué par la connerie de son meilleur ami un peu débile. Tu devrais juste dire « Désolé, je me débrouillerais seul, c'est pas grave », comme ça t'aurais pas à essayer de te trouver un moyen de, je sais pas, avoir une bonne note? Non mais, au point où t'en es, tes parents doivent s'en foutre de tes notes, tout ce qui leur importe, c'est que tu sois encore en vie, c'est déjà une bonne chose en soi. L'école, t'aurais même pas besoin d'y aller en fait, c'est juste une promenade de "santé" là.

Enfin bon, si t'allais en cours, t'avais une bonne raison de pas y aller, dans ce hangar pourri; c'est la seule raison qui te pousses à rendre visite à l'établissement de temps à autres. Dans leur tête, aux autres, ils doivent s'en poser, des question. « Pourquoi est-ce que tu viens qu'une fois sur dix? » « Ainsi va la vie ». Pff... Si ça se trouve, ils parlent dans ton dos, c'est drôle l'hypocrisie. Quoiqu'ils ne doivent même pas savoir que t'existes, c'est limite s'ils connaissent ton nom. Quand ils voient un cache-oeil quelque part, ils prennent peur en se disant « Un fantôme! ». En fait, tu ne sais pas du tout, et tu t'en fiches: t'as peur de savoir en fait. « On a un contrôle de japonais après... » Tu ne sais pas si ta voix est aussi faible que tu l'entends, parce qu'avec le brouhaha que fait la classe, t'entendre semble impossible puisque même toi t'as du mal. Si ça se trouve, il n'a même pas compris ta question, c'est pour ça qu'il a mal interprété. Pff... En même temps, lever la voix, c'est dur, faut avoir une voix un minimum normale, pas aussi trouillarde que la tienne. Puis il faut un peu de courage aussi, chose que tu n'as eu que pendant le collège pour x ou y raison. « Comme j'étais pas là du coup... » Oui ça, ça n'a échappé à personne je pense.