the last of us ••• hikaru & bankichi

Aujourd'hui, elle met du temps à partir. Patiemment, planqué dans ta chambre, tu attends. Toi, tu est prêt depuis longtemps. C'est encore une journée ensoleillée où les nuages se font rares, déjà rien que ça te rend un peu triste. Mais à défaut de nuages, tu as au moins mis un pull blanc -le seul qui restait sinon tu aurais mis du noir- c'est la même couleur. Et il est ample, ça te cache bien. Même si on est en été, tu as l'habitude de porter aussi un long jean et un foulard, de sorte à ce qu'on ne voie que tes mains et ta tête, le moins possible. Tes cheveux sont longs pour cette raison d'ailleurs, ils couvrent bien ton visage aux traits fins, sans t'empêcher d'y voir clairement. Te cacher, oui, mais il faut aussi pouvoir savoir où tu vas pour éviter le contact. Tu soupires, le monde est vraiment hostile…

Ah tiens, la voilà qui part. Enfin. Comme d'habitude, tu attends au moins que dix minutes s'écoulent avant de ne serait-ce que sortir de ta chambre. Simple précaution, au cas où elle reviendrait. En cherchant un quelconque déjeuner dans les placards -et tu as l'espoir d'y voir une orange ou une pomme- tu te fais la réflexion qu'elle doit bien s'imaginer que tu ne restes pas cloîtré ici. Mais comme vous ne parlez jamais, tes doutes ne seront jamais levés. Ça ne doit probablement pas la déranger. Ou elle s'en fout, tant que tu ne te fais pas remarquer. Plus plausible, cette hypothèse. Bon, rien d'appétissant dans ce placard. Aujourd'hui tu ne mangeras donc pas. Ce n'est pas comme si tu n'avais pas l'habitude, de tout façon. Il t'aurait certainement dit que ce n'est pas bien, mais il n'est plus là pour le faire. Tss. Alors que tu sors discrètement, tu grimaces. Tu penses l'avoir plus ou moins oublié, mais des fois tu y repenses, c'est plus fort que toi.

Rapidement, tu te hâtes dans les rues pour aller à la bibliothèque. Une fois plongé dans un bon livre, il sortira enfin de tes pensées. Ça commence à urger. Chose inhabituelle, tu passes par une rue un peu plus grande que les ruelles du chemin que tu empruntes d'habitude. C'est plus rapide. Tu as sérieusement besoin de penser à autre chose. Un regard vers le ciel, toujours aussi peu de nuages. Baissant la tête pour regarder où tu mets les pieds, ton regard rencontre un étrange énergumène. Plus que ses habits, ce sont ses bandages qui t'interpellent. L'un de ceux qui se trouvent sur son bras est ouvert, et le sang s'écoule lentement vers le sol. En y regardant de plus près, ça n'a pas l'air de le déranger. Bon, c'est son problème. Il suffit de passer loin de lui et de l'ignorer, et tu seras enfin au calme.

Il n'a pas l'air de te remarquer, alors que tu marches dans sa direction. Tant mieux. Ah, pile au moment où tu es proche de lui, quelqu'un d'autre arrive de la ruelle adjacente, tout droit vers toi. Hors de question qu'il te touche, tu fais un écart qui te rapproche du blessé. Heureusement pour toi, tu ne fais que l'effleurer, et c'est déjà bien assez. Il y a une légère trace rouge sang sur ta manche, mais rien de grave. Soulagé, tu t'apprêtes à reprendre ton chemin, mais ton sang se glace soudainement. On te touche. «Oï.» Tu te retournes brusquement, presque en sursaut. C'est lui. Et il te retient pas le bras. Ton coeur se met à battre la chamade, ton souffle se fait tremblant. Paralysé, tu le regardes. S'il et touche, c'est pour te frapper. C'est certain. «J'espère que tu comptes t'excuser.» À ton grand dam, il n'a pas l'air de vouloir te lâcher. T'excuser ? Mais pourquoi ? Tu ne lui as rien fait, c'est à peine s'il t'avait remarqué. Néanmoins, il vaut mieux faire ce qu'il veut pour qu'il te laisse tranquille, ça, tu l'as très vite appris avec ta mère. Terrorisé, tu couines de façon inaudible : « P-P-Pardon ! ». Blême et tremblant, tu tentes de faire en sorte qu'il te lâche en tirant sur ton bras par petits coups. Ça peut l'embêter, mais ça devient insupportable, ce contact. Il va te frapper, il va te frapper, il va te frapper. Tu tires un peu plus en gémissant de peur. Dans ces moments-là, ta voix est encore plus aiguë que d'habitude. Comme celle d'une fille.

Elle est terrorisée. Tu le voyais, tes bandages rougis par ton sang la terrorisait, ton ton très énervé aussi et ça te fait bien plaisir. Elle murmure quelque chose, probablement une excuse, mais c'était trop dit trop bas pour que tu puisses accepter. Elle essaie de se dégager, alors que tu resserres l'emprise. Elle pensait réellement que t'allais te contenter de cette excuse bidon? L'égo de monsieur Mitsuhide était attaqué, surtout de la part du sexe faible, t'étais pas trop pour ça là. Ton œil montre un air menaçant, énervé, fou? Un peu de tout, en fait il y avait tellement d'émotions négatives qu'on aurait dit que tu ne ressentais rien. Pourtant, t'es pas un de ces types aussi expressif qu'une pierre, hein. Ta main serre tellement fort le bras de la fillette que tu pouvais presque lui briser l'os. Ça te dégoûte, de toucher une connasse (ouais t'avais déduit que c'était une connasse parce que c'est une fille, ha), mais pour le coup, te faire ignorer et limite mépriser par une de ses ordures, là, non merci.

Tu éclates de rire cependant, essayant de cacher un peu le dégoût que tu ressentais envers cette fille. ❝ Bah alors?! T'es tellement une merde que t'arrives pas à t'excuser correctement?! ❞ tu rigoles, encore et encore, te moquant de cette petite conne sans retenue. Puis soudainement, plus rien. Le silence total. T'es glauque sérieux, normalement on prévient, on atténue le rire avant de s'arrêter complètement. Mais toi t'es pas comme les autres, t'es Mitsuhide Bankichi. ❝ Excuse toi.   ❞ Ton ton était froid. Tu serres ton scalpel dans ta main libre — la droite. Tu ne le mets pas en valeur ni quoique soit, mais tu faisais bien comprendre à la fillette que t'allais la buter si ça continuait comme ça. ❝ Je veux que tu t'excuses tellement fort que le type à l'autre bout de la rue t'entende.   ❞ froid, froid, froid, effrayant. t'es putain de flippant, même la vieille dans le magasin à côté se pisse dessus à cause de ne serait-ce que ton regard. Mais tu t'en fiches du regard des autres.

On dirait bien qu'il ne va pas te lâcher. Pourquoi ? Tu as fait un effort, tu as essayé de t'excuser, tu as dit quelque chose ! Bon, en même temps il ne peut pas savoir que tu oses à peine parler à la bibliothécaire alors que ça fait plusieurs années qu'elle te voit passer quasiment tous les jours, et que donc parler à un inconnu te demande un effort considérable, pour passer outre ta peur panique des autres. Peur qui ne fait que s'intensifier de seconde en seconde, c'est-à-dire qu'il n'a pas l'air très normal non plus. Dans le mauvais sens du terme. Déjà, se balader en insultant les passant après s'être ouvert les avant-bas te semblait étrange, mais son regard… Son regard, on dirait qu'il veut te tuer avec. Et il te serre de plus en plus fort, tu n'as aucune chance, même pas pour fuir — fuir où d'ailleurs ? Tu n'as nulle part où te cacher. Et il te rattraperait, bon à rien que tu es. Mais alors, que faire, que faire pour qu'il ne te frappe pas ? Ah, ça semble vraiment mal parti pour qu'il ne te frappe pas, de toute façon. Il a l'air de t'en vouloir tellement, tellement…

Comme tu sais que ça va être inévitable, qu'il va te massacrer, tu te crispes et te renfrognes, comme s'il allait le faire là, tout de suite. Mais il… Rigole ? Oui, il se moque de toi. Pas étonnant, à vrai dire. «Bah alors?! T'es tellement une merde que t'arrives pas à t'excuser correctement ?!» Tu baisses honteusement la tête. Tu n'avais déjà aucun amour-propre, mais il va te le détruire, comme si te casser la gueule suffisait pas déjà. T'aurais pas dû être si pressé, vraiment pas dû… «Excuse toi. Je veux que tu t'excuses tellement fort que le type à l'autre bout de la rue t'entende.» … Froid. Froid, dur, effrayant, terrorisant. Tu relèves la tête d'un coup en glapissant, les yeux écarquillés et le visage déformé par la peur. Et tu trembles comme une feuille morte malgré ton pull plutôt épais. Tu sens ton coeur tambouriner dans ta poitrine, bam, bam bam, bam, bam bam. Et tu sais pas quoi faire. T'es incapable de prononcer le moindre mot, d'émettre le moindre son, c'est à peine si tu peux ouvrir la bouche, en fait.

Seulement, à chaque seconde qui passe, il a l'air de te haïr encore plus. En voyant son regard, tu comprends que si ça continue comme ça il va te tuer. Ce mec est un taré, le simple fait qu'il soit borgne et couvert de bandages suffit pour le deviner. T'es vraiment abruti, t'aurais tellement dû bousculer l'autre personne, tout à l'heure, celle qui t'a fait le frôler lui. Elle, elle t'aurait rien dit, rien fait, juste un petit «pardon» impersonnel et complètement faux. Mais non, t'as voulu éviter ça, ce simple contact, et résultat tu t'es mis dans de beaux draps. Encore pire que tout ce que tu aurais pu imaginer. Bien joué. Bon, c'est bien beau les regrets, mais là il va falloir faire quelque chose. Sinon, et tu le penses toi-même, c'est la fin. Pas comme si tu l'avais pas vu, son scalpel — avec quoi d'autre aurait-il pu se scarifier ? Il va te taillader, t'ouvrir, te découper. Et remuer le couteau dans les plaies. Tout, tout mais pas ça ! Finalement, cette peur qui te paralysait, elle te pousse à agir. Si tu fais ce qu'il dit, il n'aura aucune raison de te faire du mal, hein ? «J-j-je-…! E-Excusez-m-moi, excusez-moi, excusez-moi…!!», répètes-tu un peu plus fort, mais pas vraiment assez pour que quelqu'un d'autre que lui puisse entendre. T'as beau essayer, ta voix déraille, s'étrangle, meurt avant même d'être sortie de ta gorge. Et plus tu parles, plus tu t'affoles, c'est limite si t'as pas les larmes aux yeux. Tu vas y passer.