Let's jump in this dream, it's okay if we don't know ▬ Kitamura Rui

Alors que ses yeux verts feuille fixaient l’extérieur, une montagne de pensées lui traversaient l’esprit. Même avant d’obtenir son eye ability, Rui avait l’habitude de "s’amuser" à calculer son environnement. Peu bavard et penseur, tout ce qu’il voulait répliquer n’allait pas plus loin que son cerveau. Très peu de mots sortaient de sa bouche si ce n’est que les marques de politesse ou autres formules de la vie de tous les jours. Même maintenant, malgré le fait qu’il parle plus qu’avant, il reste enfermé dans une sorte de mutisme qui l’empêche de s’exprimer aussi ouvertement qu’il le voudrait. Il se contente d'écouter, hoche une fois ou deux la tête, mais rien d'autre.
Malgré tout, il lui arrive d’être un peu plus bavard sur les sujets qui l’intéressent, comme la musique ou bien la "mort". Chose qu'il trouve trop abstraite. Ne pas comprendre l'énerve, ce qui n'est pas logique l'agace car il n'y trouve aucune explication. A part ça, c’est un peu un je-m’en-foutiste, passif et parfois lent quand ça lui chante. Il aime ne rien faire sous le kotatsu, à manger des Pocky en jouant aux jeux vidéos ou résoudre des énigmes. Il peut très bien suivre la foule comme n’en faire qu’à sa tête, et même se comporter normalement lors d’un danger, même s’il finit par réagir au final. Se mettant très peu en colère, il n’hausse presque jamais la voix sauf si on le force à quelque chose qu’il n’a réellement pas envie de faire, comme la plupart des gens, d’ailleurs. Il ne s’est jamais mis véritablement en colère, donc il se pose sans cesse la question sur quel ressenti la personne peut avoir à ce moment précis. Il a oublié que rire était agréable, que les larmes pouvaient soulager, ou encore que crier permettait de se défouler.
Rui ne sourit pas beaucoup, il a plutôt tendance à vous fixer d’un air neutre ou tirer une tête de six pieds de long quand il doit accomplir un effort, histoire de vous faire comprendre que ça l’ennui assez pour qu’il  retourne à son piano. Et oui, le brun est très attaché au piano et au violon, instruments qu’il juge plus adapté pour retranscrire les sentiments dans l’instant plutôt qu’utiliser les mots.
Il est plutôt du genre à aller rêvasser ou composer tranquillement sur le toit, ou bien à aller se poser dans un parc pour regarder le ciel et trouver une inspiration soudaine. Il lui arrive même parfois de se faire des films sur tout, prenant le risque de mal percevoir la véritable personnalité de la personne en face de lui. C’est vrai qu’il se détache du monde, et encore plus quand il enfile des écouteurs, les portant souvent car il est sujet aux acouphènes qu’il ne supporte pas trop, mais ce n’est pas pour lui déplaire que d’avoir de la musique sans cesse dans les oreilles.  

Premièrement, il n’a pas une alimentation très saine. Je vous laisse donc deviner qu’il est proche d’être en sous poids du haut de son 1 mètre 68. 51 kilos plus précisément. Sa silhouette plutôt fine semble se déplacer facilement, proche du flottement mais non complètement vu qu’aux dernières nouvelles, ce n’est pas un fantôme, loin de la démarche lourde qu’on pourrait lui donner à cause de sa tête qui vous dit "Bonjour, je me suis levé en retard et je n’ai pas dormi de la nuit ". Ses cheveux bruns aux quelques reflets châtains ne sont jamais, mais JAMAIS ordonnés. Il prend même la peine de les aplatir un peu avant de partir tellement il a d’ahoge et épis potentiellement dangereux au réveil. Jusqu’à maintenant, personne n’a réussi à se vanter de les avoir bien arrangés, mais sait-on jamais.

Mis à part cette chose qui lui sert de chevelure, ses yeux se font plutôt bien remarquer aussi. D’un vert feuille assez peu conventionnel, souvent mis involontairement en valeur grâce à sa peau blanche, presque pâle, ils s’assombrissent ou s’éclaircissent légèrement selon la lumière ambiante, mais il ne reflète rien. Aucune envie, aucune joie, rien. Le vide. Comme si ce qu'il voyait n'était pas de ce monde. 

N’étant pas sportif du tout (ou sportif dans la catégorie "économiser son énergie à faire le moins d’efforts possible"), il n’est pas musclé du tout. Ou bien un petit peu. Son souffle se fait vite court et est seulement agile de ses mains, du aux longues heures de jeux vidéo. En parlant de ses mains, Rui à de fins et longs doigts, pratique pour jouer du piano. Les doigts de pianistes, apparemment.

Côté style vestimentaire, il n’est pas difficile. Un sweat ou un gilet, un t-shirt par-ci, un jean par-là, ou bien une chemise. Il aime bien être emmitouflé comme il aime porter des choses légères qui ne pèsent pas six tonnes sur le dos. Evidemment, tout dépend de la saison. Et c’est tellement évident que vous trouverez sûrement ça ridicule.

Ah, Rui. Rui. Tu as toujours vécu dans l’ombre de ton grand frère, Yuri. Il était la lumière, tu étais l’ombre. Il réussissait brillamment dans tout ce qu’il entreprenait, toi tu te contentais d’accomplir sans exagération ce que l’on te disait de faire. Mais par-dessus tout. Par-dessus tout. Il était le plus aimé. Celui à qui on donnait le plus, mais tu ne t’en rendais pas vraiment compte.  Toi, tu te contentais de faire comme lui, pour essayer d’attirer un peu l’attention, parfois. Ca ne fonctionnait pas. Depuis ton enfance, tu n’étais que le second. Pour eux, la réussite du premier, du plus éblouissant passait avant la petite ombre que tu étais. Et ton père ? Il te méprisait presque. Parce que tu n’étais qu’une copie conforme de ton cher grand-frère, avec les défauts en plus.

L’ombre. Oui, il était son ombre. A 8 ans, le jeune garçon ne recevait que peu d’attention, alors que son frère était illuminé par l’amour de ses parents. Mais ce n’était rien. C’était normal, n’est-ce pas ? Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait toujours aussi loin d’eux. Séparé par un mur qui assombrissait son côté et illuminait le leur. Ah, je veux être dans la lumière de grand-frère, moi aussi. Le petit garçon ne savait pas quoi faire pour le rejoindre. Il essayait d’avoir de bonnes notes, mais le plus âgé faisait toujours mieux. Toujours. Pourquoi je peux pas venir avec vous, moi aussi ?

A ses 12 ans, il avait pris conscience de son ‘invisibilité’ aux yeux de ses parents. Mais Yuri, lui, faisait tout pour essayer de se rapprocher de son petit frère. Mais il refusait. Il lui volait ses parents, l’attention qu’il aurait pu lui porter, alors il le repoussait, restait impassible à ses sourires. Ses parents travaillaient de plus en plus, et Yuri voyait sa lumière s’amoindrir. Ca le rendait fou. Tellement fou que Rui l’entendait mettre sa chambre sens dessus-dessous quand ils n’étaient pas là, et la ranger avant qu’ils ne reviennent. Et ça empirait d’années en années alors que le cadet restait spectateur de sa vie de famille. Il se mettait toujours en retrait pour essayer de ramener la lumière qui réunissait sa famille. Oui, il le détestait, en était jaloux, mais voulait qu’elle réapparaisse, comme avant. Parce que cette lumière le rassurait d’une certaine manière. L’illogique qui régnait dans ses pensées le faisait parfois ricaner.

※15 août

Des bruits de pas. De verres brisés. De déchirements. Encore une crise de Yuri. Il fallait qu’il aille le calmer, même s’il n’en avait aucune envie. A peine entra-t-il dans le salon que Rui se jeta au cou de son grand-frère pour le précipiter contre le rebord de la fenêtre, les yeux remplis de haine.

« J’en ai assez de tes crises de nerfs. Casse autant de choses que tu veux, mais pas ici. »

Il ne comprenait pas. La violence l’avait pris d’un coup, il avait encaissé trop de choses pendant toutes ces années, et les lui faisait subir. Et à ce moment précis, il ne comprit pas. Des larmes dévalaient les joues de Yuri. Impossible. Lui ne pouvait pas pleurer. Lui qui était si lumineux auparavant. Il ne pouvait pas.

« Pardonne-moi Rui, pardonne-moi … je voulais juste que papa et maman me remarque comme avant … Pardon, je suis désolé … Je veux pas mourir, je veux p- »

Mais le plus grand ne finit pas sa phrase. La main qui le tenait au-dessus du vide glissa, et il tomba sans crier gare. Ses yeux horrifiés et remplis de larmes se gravaient dans la mémoire du plus jeune à chaque seconde qu’il le voyait tomber. Avant qu’il ne réalise que le sol se rapprochait dangereusement. Il tombait avec lui. Lui qui s’accrochait désespérément à Rui pendant leur chute. Et, inconsciemment, le cadet le serra dans ses bras. Ils allaient mourir tous les deux. Tant mieux. Ils ne se bagarreraient plus pour des parents qui ne leur portaient aucune attention.

※ 15 août – loop 45

Il en avait assez de voir le même décor défiler si vite devant ses yeux avant qu’ils ne finissent comme des anges ayant perdus leurs ailes. Il fallait qu’il réagisse. Mais à chaque fois qu’il tentait de calmer sa fureur en le voyant dévaster la pièce, son frère envenimait toujours plus les choses, cassant de plus en plus d’objets. De précieux objets, comme une photo de famille. La seule qu’ils avaient. Et eux qui ne bougeaient pas de leur chambre, à croire qu’ils étaient déjà morts, leurs cœurs déjà en cendres.

※ 15 août – loop 158

Encore une nuit où les vases étaient cassés, les rideaux déchirés, la nappe éventrée. Et ses parents qui faisaient semblant de ne rien entendre. Il en avait assez de ne pas fermer l’œil à cause de ses caprices. Il se leva machinalement et s’aventura dans le salon. L’état pitoyable dans lequel son frère était lui arracha presque de la pitié. Il semblait tellement en colère, tellement frustré de ne plus être aussi éblouissant. Bien fait. Prends ma place, deviens mon ombre. … Est-ce qu’il le voulait vraiment ? Devenir la nouvelle lumière de ses parents. Non. Non.

« TOUT CA EST DE TA FAUTE !! SI TU N’ETAIS PAS LA, MES PARENTS SERAIENT BEAUCOUP PLUS CONCERNES PAR MON SORT. ILS NE TRAVAILLERAIENT PAS AUTANT S’IL N’AVAIT QU’UNE BOUCHE A NOURRIR !! », hurla Yuri, hors de lui

Rui resta silencieux. Peut-être était-ce vrai, mais il s’en fichait. Il était là et ne pouvait rien y changer. Mais à peine eu-t-il le temps de penser à ça que son frère le pris par le col pour le pousser vers le bord de la fenêtre ouverte. La vue de la rue du haut du 7ème étage était effrayante, et le cadet n’avait pas assez de force pour le repousser. Yuri lui murmura quelques mots avant de se jeter par-dessus la fenêtre. Les yeux de Rui s’écarquillèrent d’horreur quand ses mains lâchèrent la chemise de son frère pour ne pas partir avec lui. La chute libre. Il voyait son grand-frère tombé. Lui qui voulait le faire passer par-dessus ce rebord il y a à peine quelques secondes. Incompréhension. Tout n’était qu’incompréhension, et un sanglot traversa les lèvres de Rui :

« … G-grand-frère … »

Puis le noir complet. Plus rien. Le néant.


Enfin. Enfin il ouvrit les yeux, mais fut aussitôt pris de nausée. Affronté la mort 157 fois et la voir 1 fois prendre un proche. Il en était malade, mais il ne comprenait pas pourquoi. Il ne se souvenait de rien. Ah, et toutes ces choses qu’il voyait désormais, c’était à en devenir fou. Ses yeux rouges, il ne les aimait pas. Des chiffres. Des nombres. Partout. Recouvrant son champ de vision. Il mit quelques années à s’y habituer, à contrôler cette ‘chose’, mais pas à l’accepter. Tous semblaient avoir oublié Yuri. Comme s’il n’avait jamais existé. Ah … Quel était donc ce monde dans lequel il était tombé ?