••• skeleton life ft. asa

skeleton life

feat. tsukimi asa

Tu sentais tes semelles usées cogner contre le béton, la dureté du bitume envoyant une brève et sourde décharge de douleur dans la plante de tes pieds mais ça faisait partie de l'ivresse de la course et tu prenais un goût particulier à te noyer dans celle-ci, à oublier tes soucis pour te perdre dans ce brouillard imprécis. Tu prenais plaisir à te déconnecter momentanément de ce cerveau qui pensait peut-être un peu trop, à juste lâcher les rênes et te laisser aller à cette chute presque contrôlée. T'arrachais juste la prise et pour ça, le free-running et le parkour étaient des activités de choix. T'étais juste assez concentré du fait de la potentielle dangerosité de la pratique pour ne pas pouvoir penser à autre chose, tout en étant assez mentalement détendu pour ne pas te mettre encore plus de pression.

Pour le coup le centre-ville n'était pas un mauvais spot, loin de là. Les zones piétonnes étaient géniales, regorgeant de petites ruelles, rambardes d'escaliers, grillages et autres trésors en matière d'obstacles. Tu ajustas tes mitaines en pleine course en louvoyant habilement entre les passants, jouant de ta souplesse et ta petite taille pour te faufiler dans les tous aussi petits espaces entre les piétons - c'est qu'il commençait à faire assez froid et pour peu qu'une barre de fer comme la rampe d'escalier que tu voyais à quelques mètres soit glacée, t'étais pas vraiment sûr d'avoir envie de te taper une crise d'angoisse au milieu de la rue.

Heureusement qu'il faisait assez beau aujourd'hui d'ailleurs, ça se sentait déjà à la température fraîchissante que vous en aviez plus beaucoup pour l'automne. La pensée de l'hiver te fit grimacer quelques instants, t'espérais qu'il ne soit pas trop froid cette année histoire que tu puisses quand même mettre un pied dehors sans te mettre à pleurer - véridique, c'était arrivé une fois, personne ne savait quoi te dire, fallait dire que t'avais une phobie pour le moins particulière. Au moins c'était original, mais était-ce vraiment une consolation ? T'aurais largement préféré avoir une peur un peu moins encombrante, comme celle des éléphants roses, ç'aurait été nettement plus pratique qu'être incapable de plonger la main dans un congélateur pour aller chercher un quelconque morceau de viande pour le dîner. Ça pouvait limite être considéré comme un handicap à ce stade-là, non ? Enfin, personne ne te l'accorderait, c'était ridicule après tout.

Tu souris, asymétriquement comme toujours et dépassas l'ancrage de la rambarde. Tes yeux sondèrent instinctivement le bas de l'escalier, estimèrent rapidement sa longueur, le nombre de marches, la hauteur aussi. La force de l'habitude rendait l'opération facile à exécuter et l'équation fut résolue en un instant. Ton sourire s'accentua. Personne sur l'escalier, personne en bas non plus. Sans ralentir, tu pris ton élan et sautas.

Rien à dire, l'euphorie de ces quelques fractions de seconde entre ciel et terre était vraiment la meilleure. Le vent crée par ton mouvement qui te fouettait le visage, la brève sensation d'échapper à tout et d'être détaché du monde, la vitesse à laquelle tu volais presque - t'aurais voulu que cet instant dure des heures tellement tu t'y sentais à l'aise. Et puis la gravité te rattrapa comme à chaque fois et tes pieds reprirent contact avec le sol. Tu savourais presque ce moment où tu sentais ton corps amortir le choc dans un premier temps avant de partir en avant avec l'élan, mais t'étais suffisamment rodé à ce petit jeu pour savoir quoi faire et tu te laissas simplement rouler sur l'épaule - la tête ou le cou t'auraient probablement coûté la vie ou au moins gratifié d'un aller simple vers l'hôpital.

Et tu riais, tu riais, encore ivre du bonheur que t'avais embrassé quelques secondes plutôt. T'étais un peu simplet au fond, t'avais encore quelques miettes d'innocence tout là-haut et un rien pouvait te faire plaisir. Tu ne le qualifiais pas, tu ne réfléchissais pas à si tu étais heureux ou non, tu laissais ça aux adultes. Tu te contentais de t'y noyer et de le montrer. Et tout à ton hilarité enfantine, assis sur le trottoir, tu ne remarquas qu'un temps après la jeune femme à qui tu avais coupé la route avec ta roulade impromptue.

▬ Oops, désolé. Je vous ai pas fait mal ?

Et tu te relevais, le souffle court de ta précédente course, l'épaule un peu endolorie et les doigts légèrement écorchés d'avoir ainsi rencontré le sol. Mais la félicité qui se lisait dans tes yeux en valait la peine.

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feat. tsukimi asa

Bon déjà, la madame avait souri. C'était bon signe. Peut-être. Probablement. En fait, tu l'espérais, parce que t'étais quand même clairement en faute et même si tu ne broncherais pas si elle t'engueulait - tu l'avais mérité -, bah, comme tout le monde à part les masochistes, tu préférais éviter de te faire crier dessus, c'était quand même un meilleur choix pour la conservation de tes tympans. Les conflits avaient leur saveur et toi-même, tu en créais parfois pour de simples objectifs argumentatifs, mais aujourd'hui n'était pas un bon jour pour ça. T'étais tout simplement pas dans l'humeur de te prendre la tête, plutôt celle de faire des choses simples, d'évacuer le stress en lui mettant un pain, histoire de le garder à distance pendant quelque temps.

▬ Non tout va bien … J'ai juste eu une crise cardiaque mais c’est pas grave.

Tu grimaças un court instant. Ta mauvaise habitude de voir des double-sens et sous-entendus partout te faisait entendre plutôt "je t'en veux quand même un peu". Peut-être était-ce ce qu'elle voulait dire ou peut-être était-ce juste encore toi qui extrapolais, une manie qui t'avait déjà valu trop d'ennuis, et t'avais aucun moyen de déterminer quelle possibilité était la vraie. Tu décidas d'attendre un peu pour avoir confirmation, c'était probablement mieux.

▬ Tu devrais quand même faire plus attention Je suis peut être mince mais je en voudrais pas finir en mile morceau …

Tu souris d'un air un peu embarrassé, frottant machinalement l'arrière de ton crâne. C'était vrai que t'aurais quand même pu lui casser quelque chose si tu lui étais rentrée dedans. D'autant plus qu'elle semblait avoir les mains prises, remarquas-tu, et aurait probablement eu du mal à amortir sa chute. Cette réalisation éveilla en toi un petit sentiment de culpabilité, qui n'avait pas vraiment lieu d'être cependant : rien de ceci n'était arrivé, tu lui avais rien abîmé, fin de l'histoire.

Tes yeux sondèrent un instant la silhouette de la jeune femme qui te faisait face. Opération qui en aurait fait rougir certains, mais qui ne réussit qu'à t'effarer. Rien de que la voir dans cette tenue, t'avais froid. Très. Froid. Enfin, c'était psychologique bien sûr. Tu passas un temps assez long - peut-être quelque part entre trente secondes et une minute - à combattre cette pensée qui, hahaha, te donnait des frissons mais pas pour les raisons à laquelle on pense habituellement, ce qui fit que t'avais les yeux un peu dans le vague. Bon. Ça devait aussi te donner l'air un peu louche. Juste un peu. Tu finis tout de même par tressaillir en sortant de ta rêverie éveillée.

▬ Ah, euh, oui, je ferai plus attention la prochaine fois, bafouillas-tu distraitement, encore à moitié inquiet que ton extrême cheimaphobie ne vienne faire des siennes.

Bon. Bah, tant qu'à faire, autant t'enquérir de son état à elle, ou du moins, de son rapport à l'élément glacé. D'accord il faisait beau mais il faisait un peu frisquet tout de même et pour peu qu'un peu de vent se mette à souffler, elle allait probablement terminer frigorifiée. Et ça t'embêtait un peu de penser à cette perspective, même si tu pensais qu'elle aurait probablement trouvé un abri d'ici là. Mais pour le coup, ça te coûtait rien de demander.

▬ Mais vous avez pas froid comme ça ... ? l'interrogeas-tu curieusement, encore un peu choqué que quelqu'un puisse se balader ainsi aussi tranquillement au moins de novembre.