{ ▊♔ Akio vs Toki.│An unpleasant meeting among food

My food won't taste good if I eat with you.

C'était pendant la pause midi, un certain vendredi, battant son plein à midi pile. La cafétéria du collège était envahie d'élèves affamés ne répondant qu'avec leur instincts. Les couloirs submergés par les trots de la foule, nul ne sait quand le repos atteindra les structures du bâtiment. Pourquoi se presser? L'idée est la même que d'aller à un abattoir. Mieux manger pour être mieux engraissé. Et ensuite finir comme engrais. Certes cette idée répugnant ne colle pas du tout à l'univers austère qu'est l'école, cependant Akio n'aimait pas manger à la cantine. Être entourer d'une myriade d'individus le scrutant dès qu'il soulève la fourchette n'est pas sa tasse de thé. Fort heureusement, à chaque problème, il y'a une solution, plus ou moins radicale. Eviter le surplus de population, s'isoler de la rangée d'élèves compressés dans un couloir privé d'espace. Vérifiant qu'aucun surveillant ne faisait le guet. Passant outre les assiégeants ainsi que la barrière de son collège, l'adolescent retombe doucement sur ses pieds, les jambes pliés et le dos courbé. S'empressant de fuir les lieux à la vitesse de la lumière, ses pas l'emmenait vers le point de mire. Le centre-ville, enrichit par une multitude de magasins, accompagnés par des restaurants et fast-food sachant ravir les papilles de leur clients. Avec le peu d'argent en poche, inutile de songer à se payer un festin de roi. Il pouvait se contenter d'un simple sandwich discount ou un hamburger, quelque chose tenant les dix euros qu'il possède. Choisissant un encas simple et bercé dans un nectar sucré, sa destination s'arrête droit dans un petit restaurant qu'il prit la peine de déranger pour un simple milkshake avec un hamburger, rien de consistant mais suffisant pour détendre le nœud installé dans son estomac.

Payant ses achats pendant que sa commande sois prise en compte, sa physionomie se rive d'emblée vers les alentours de la structure. Trop d'individus réunit. Énormément de personnes rassemblés dans un bâtiment espacé, hélas les tables empêchaient d'avoir un espace personnel assez large, rendant le vide restreint. Moins pire que la cantine, c'est plus appréciable. Il va falloir jouer des coudes pour s'incruster dans cette amas d'humains et se faire oublier rapidement. Il comptait manger à l'intérieur, changeant un peu ses habitudes car à l'extérieur, la température n'est pas accueillante du tout. Ce n'est pas son manteau recouvrant son corps dégingandé qui allait lui tenir chaud au milieu d'une saison hivernale. Qu'importe, il n'allait pas s'attarder ici, dès qu'il aura fini son plat il s'en ira aussi vite qu'il est venu. Tenant d'une main un hamburger emballé avec un milkshake saveur vanille, le brun scrute une table de libre, comme par hasard son souhait n'est pas accordé. Rien, pas une place de libre sans que quelqu'un monopolise une table. Avec peu d'entrain Akio s'avance, traînant des pieds quitte à glisser et se manger le sol en guise de salutation. Recherchant une place pas trop envahie par les clients, il trouve finalement son bonheur sur une table installée proche des vitres, seulement accaparé par une demoiselle, non accompagnée. Mieux vaut être seul que mal accompagné, un dicton très répandue qui ne fait qu'établir la vérité.. Sauf lorsque les adolescents décident d'être têtus comme une mule et de faire ce qui leur semble être juste. Pas le temps de rouspéter, encore moins de glander, le délinquant pose ses affaires sur le matériel, ne prenant pas en compte la présence de l'adolescente mentionnée. Si par tout hasard elle est ennuyée par la venue impromptu d'un gêneur, elle n'a qu'a prendre la poudre d'escampette, rien ni personne ne la retiendra. Ça serait même une véritable bénédiction.

❝ Tch. ❞

Un claquement de langue vindicatif, reflétant ses pensées mises en sourdines. Nulles besoin d'être mentaliste pour déduire le niveau d'apathie  renforçant le côté malpoli du garçon.

Pfff, je savais que j'aurais dû sécher les cours, ou au moins le dernier de la matinée. Histoire de manger tranquille, là si je veux retourner en cours -et je vais le faire puisqu'il y a EPS et que c'est la seule matière où je suis forte- va falloir que je mange. Je vais pas manger au lycée, j'aurai jamais le temps — et puis bon c'est pas terrible. J'espère juste que j'aurai assez d'argent… Traversant le couloir, je me faufile entre les gens et vérifie que j'ai bien de quoi manger, au moins me remplir l'estomac et pouvoir faire sport. Ça me ferait chier de louper le seul cours que je ne sèche jamais —ce qui serait un comble, haha. En plus -pour une fois !- le prof a l'air de bien m'aimer. Faut dire que je suis forte, et que je le fais pas chier, aussi. Puis il est sympa, pas comme tous ces vieux cons qui radotent pour dire des trucs pas intéressants et qui te descendent au lieu de t'aider quand t'as pas la moyenne ! Quand t'as pas un bon prof, tu peux pas bosser ! Pour ça que je préfère faire autre chose, je veux pas perdre mon précieux temps — imagine je revis toujours la même vie, autant pas se faire chier avec les cours ! Je sors finalement de ce bahut de merde en pestant, puis je respire un grand coup.

Ça fait du bien de sortir, même si je me prends une claque de vent dans la tronche, foutu hiver. Enfin on va pas se plaindre, ça me fait prendre l'air, hein. Au sens littéral. Bon, c'est pas le tout mais faut que je trouve un endroit pour bouffer, au chaud si possible. Genre un des fast-foods à 5-10 minutes de marche du lycée. Bon, pas cher, pas loin, ça cale. Parfait ! Je me mets en route et marche d'un pas très rapide pour avoir le temps de profiter et de me reposer sur place — c'est fatiguant les cours de maths. Une fois arrivée dans un petit restaurant (le moins cher), je vais commander. Hamburger, limonade et nuggets, c'est tout ce que je peux m'offrir, mais c'est déjà un bien bon repas. J'attends patiemment qu'on me serve, et ça ne prend pas bien longtemps, c'est cool ça, j'entendais mon ventre gronder. Repartant avec mon repas, je cherche une place, et ça, il y en a. Normal, il est tôt. Je m'assieds donc près d'une fenêtre, pour avoir chaud, mais pas trop, et pour observer les pauvres passants s'agiter et combattre le vent mordant dans la rue, pariant sur lesquels entreront dans le restaurant ou non. Et ça me fait rire, haha. C'est con, mais c'est comme ça, je peux pas m'en empêcher.

Le restaurant se remplit au fur et à mesure de mon repas, et je comprends pourquoi : c'est vraiment super bon, en fait ! Bientôt, plus une table de libre, ils ont du succès ici ! Je me demande si je pourrais y travailler ? histoire de faire quelque chose de ma vie. Et puis je pourrais avec des trucs gratuits, peut-être ? Faudra y réfléchir. J'en suis à la moitié du repas, et le restaurant est devenu vraiment animé. Heureusement que j'ai ma table, sinon j'en aurais sûrement pas trouvée maintenant, j'aurais bien galéré. Un peu comme ce mec, là-bas avec sa mèche jaune. C'est con pour lui, en plus ça a l'air de bien le faire chier. Je ricane, c'est trop drôle de le voir paumé alors qu'il a visiblement l'air d'être une pseudo-racaille, bien fait pour lui. Je prends une gorgée de limonade, je suis bien, là, moi, et je vais pas me faire emmerder. Personne va venir squatter une table occupée. La belle vi— … ?! Eeeeh ?! D'où qu'il squatte ma table ce petit con ?! Qu'il s'en trouve une autre, j'étais là avant ! Putain, nooon, c'est quoi ce karma ?! «Tch.» … Ah ouais ?! En plus il me cherche, ce con ! «Oï, qui t'as permis de t'asseoir ? Dégage de ma table.», lancé-je d'un ton sec, mais pas pour autant agressif. Je veux finir mon repas tranquille, putain.

My food won't taste good if I eat with you.

Énerver un délinquant affamé n'est pas une bonne idée. Hargneux comme il est, il est susceptible de renverser d'un revers de main le contenu de son plateau. Il a auparavant gâché son énergie à chercher une table libre et proche d'une fenêtre alors qu'il aurait très bien pu s'inviter à une table au hasard et faire en sorte de chasser les occupants. Il s'empressa de ramper sur le rebord de l'épaisse table, coude appuyé contre le matériel. Ça le frustrait autant que l'adolescente de partager son espace personnel, mais il ne voyait aucune autre solution de disponible. Manger par terre est hors de question, quoique à y réfléchir il pourrait éventuellement effrayer sa voisine afin qu'elle soit l'unique personne à déjeuner au sol. Prétendant d'être seul au monde en gardant en tête qu'il n'a pas le loisir de s'étirer de tout son long sans effleurer la jeune fille, ses jambes se contentent de s'étaler quasiment sur le chemin des serveurs, sans prendre compte que l'un d'eux risque de trébucher par mégarde. Mâchouillant une poignée de frites, ses doigts faisaient le contour de la canette de coca, le temps d'avaler ce qu'il a dans la bouche avant de prendre une grosse gorgée sucrée. Il s'étonne lui même de ne pas avoir répliqué du tac au tac. Akio n'est pas magnanime, il fait payer les affronts subis, qu'importe si c'est un enfant, animal, homme ou femme. Il ne faisait pas le tri de ses victimes tout comme eux n'ont pas le scrupule de piétiner sa vie quotidienne.

Le majeur se dresse fièrement, réponse provocante à un ordre impoli. Pour une fois il n'est pas le premier à avoir susciter la colère de son interlocutrice. Il est resté calme et étonnamment discret, grognant simplement un inoffensif "Tss". A croire qu'un rien est capable d'exciter la moindre personne impatiente. Malheureusement son temps n'est pas consacré à un de ses hobbies favoris. Faisant preuve de patience exceptionnelle, il s'est permis d'ignorer royalement la châtain, sirotant bruyamment sa boisson tandis que sa main attrape l'hamburger. Un minuscule conflit n'a pas le mérite de dégénérer dans l'enceinte d'un fast-food, le nombre d'aliment gâché pendant l'altercation serait désastreuse. Et en plus il devra payer de sa poche pour les dégâts. Déjà qu'il a un peu de mal à survivre par lui-même, l'assistante sociale pourrait envisager d'ouvrir une enquête à son sujet. Un gosse de quinze ans qui vit seul, sans famille ni tuteur. Une broutille enchaîne des drames aux conséquences désastreuses, au pire des cas Akio sera toujours en mesure de se réfugier chez l'Akame Dan— son orgueil lui interdit formellement de compter sur eux.

Toujours le majeur levé, Akio termine son hamburger avant de viser la une poubelle proche de son emplacement actuel. Juvénile comme il est, il n'hésite pas à se lancer des défis. Cependant une autre pitrerie changea ses plans. Visant initialement la poubelle, son angle se cadre précisément au dessus de la tête de la lycéenne, la serviette en boule prête à atterrir en plein dans le visage de sa victime. Un vil rictus s'esquisse sur les lèvres du délinquant qui n'a pas hésité une seule seconde à lancer le déchet qui heurta le cuir chevelu. C'était plus fort que lui, il ne pouvait s'empêcher de faire enrager les inconnus proche de lui, malgré son précédant comportement laissant croire qu'il se satisferait d'un doigt d'honneur plutôt qu'une vengeance éhontée. D'ailleurs il ne se prive pas de glousser sur ses propre représailles, son regard vaniteux se délectant de la scène actuelle.

❝ Depuis quand une poubelle parle? ❞

Ignoble jusqu'au bout, un jour il s'en mordra les doigts.

Pas de réponse. Ouais, c'est ça, ignore-moi. T'as finalement l'air moins con que ce que je pensais. Tu remonterais presque dans mon estime, si seulement tu pouvais avoir l'intelligence de bouger ton cul de ma table. Parce que bon, visiblement ton petit cerveau n'a pas compris ce que signifie le mot «dégage». Hrm. Va falloir que je te fasse dégager moi-même, alors ? J'ai pas vraiment envie de dépenser mon énergie à ça. Surtout que si je commence à le pousser il risque de réagir et ça finira probablement baston. Donc hm. Ce qui me fait le plus chier, c'est que je perdrais du temps, de l'énergie, et gâcherais sûrement beaucoup de bouffe. Que je devrai rembourser. Et donc adieu l'argent, adieu l'éventuel petit boulot, tout ça tout ça. J'ai clairement la flemme. Peut-être que je lui casserai la binette en sortant. Mais peut-être aussi que je l'aurai déjà fait fuir avant, on sait jamais. Espérons.

En attendant, je me contente de bouffer, mieux vaut se concentrer sur ça pour l'instant. C'est bon, et ça détend. Mais c'était mieux quand j'étais seule, en particulier sans doigt d'honneur pointé vers moi. Bon, au pire j'ai bientôt fini alors en cas d'extrême urgence, je partirai. Mais j'ai quand même ma fierté, alors je préfèrerais (et de loin !)- le virer avant d'y aller. Visiblement lasse et en pleine recherche d'insultes à lui cracher (au sens littéral) au visage, j'appuie mon visage sur mon poignet en mangeant, l'air de dire «J'en ai rien à foutre de ton doigt en fait». Et je mange. C'est vachement bon, et ça me motive, en un sens— … Eh— ?! C'était quoi, ça ? Ça vient de lui, c'est sûr. Quel petit con. Même si c'est surtout immature, de jeter ses déchets sur les gens. Sérieux. Et il rigole, en plus ? Mais je vais lui rendre la monnaie de sa pièce, à cet enfoiré ! Je relève le nez et— «Depuis quand une poubelle parle ?» … ok, tu veux la guerre, c'est ça ? Eh bien tu vas l'avoir, petit con.

Je reste calme en apparence, mais j'ai presque envie de lui balancer mon plateau -et juste le plateau, pas son contenu- sur la tronche, en fait. M'abaisserais-je à son niveau de maturité digne d'un élève de primaire ? Non. Faisons plus intelligent, ça sera d'autant plus désagréable pour lui. Déjà, on va lui fermer sa gueule. «Depuis qu'un déchet se la ramène.», réponds-je du tac au tac. En appuyant bien sur le mot déchet, ce serait con qu'il capte pas, quand même. Ensuite, et avec un air totalement snob, je me lève, ramasse son papier, et vais le jeter. Ben oui, je suis civilisée, moi. Sauf que j'ai dû passer devant lui. Et c'est là que se trouve la partie la plus intéressante. Parce que ses jambes sont étalées n'importe comment sur le côté -et aussi sur le passage, ahem-, constituant ainsi un équilibre précaire. Une occasion parfaite. Je profite donc de passer devant lui pour lui faire une sorte de croche-patte, en glissant mon pied sous le sien pour ensuite le faire glisser. Je l'emporte avec moi, et comme j'ai fait ça assez rapidement et assez fort, ça ne rate pas et le voilà pris par surprise : il s'étale lamentablement devant la table. Et moi, tout en regagnant ma place et en gardant ma nourriture en sécurité -on ne sait jamais, il pourrait vouloir se venger alors que c'est lui, ce paysan qui a commencé- je ne me gêne pas pour me foutre de sa gueule. Je ris assez fort pour qu'il puisse entendre, mais pas assez pour me faire remarquer bien loin dans le restaurant. Mais surtout, surtout, je l'humilie, et ça, ça fait du bien. «Oh, on s'est fait mal ? ~»